Les faits
Le 18 août 2015, la FDA a émis une alerte avisant les professionnels de la santé (on comprend que ça s’adresse surtout aux pharmaciens) que les seringues de marque BD de 3 et 5 mL ne devraient plus être utilisées pour conserver les médicaments. La FDA aurait reçu des rapports de cas de diminution de l’efficacité de certains médicaments (fentanyl, morphine, methadone et atropine) lorsque stockés pour une période de temps non spécifiée en seringues.
Selon l’avis, cette perte de puissance serait due à une interaction entre ces médicaments et la pièce de caoutchouc à l’extrémité du piston de la seringue. Ceci ne surviendrait pas lorsque les médicaments sont utilisés rapidement après le remplissage de la seringue. « Rapidement » (« promptly ») n’est pas défini.
Le 8 septembre 2015, cette alerte a été étendue pour inclure les seringues de 1, 3, 5, 10, 20 et 30 mL. La liste de médicaments a aussi été étendue pour inclure le fentanyl, le rocuronium, la neostigmine, la morphine, le midazolam, la methadone, l’atropine, l’hydromorphone, le cisatracurium, et le remifentanyl.
Le 23 septembre 2015, Santé Canada a publié un avis similaire. L’avis rapporte que ce ne sont pas toutes les seringues qui sont affectées, mais bien seulement certains lots. Ces lots auraient été faits avec une pièce de caoutchouc produite par un manufacturier différent de celui utilisé habituellement par BD. On répète que l’interaction ne se produit que lorsque les médicaments sont stockés pour une durée prolongée dans les seringues.
BD a mis sur pied une page web permettant de vérifier les lots affectés par le rappel. Un document PDF (pour le Canada) résumant les lots affectés est disponible via cette page web.
Mon opinion
Cette alerte me laisse perplexe. Aux États-Unis, l’ASHP a publié un communiqué intitulé: « No Syringe Is Approved as a Standalone Storage Container, FDA Says ». Traduction: on ne doit pas stocker des médicaments en seringue, du moins en vertu de l’approbation américaine. Ceci laisse entendre que cette pratique est inhabituelle et hors norme. Pourtant, un pharmacien américain témoigne sur son blogue de l’utilisation grandissante des seringues pré-remplies produites par les pharmacies dans les établissements de santé.
Je crois bien que tous les hôpitaux nord-américains qui ont un système de distribution des médicaments moderne ont recours à cette pratique pour au moins quelques produits. Il s’agit d’un mode de préparation largement répandu.
Les avantages de cette pratique sont évidents:
- La production en lot de seringues pré-remplies par la pharmacie assure une production stérile de qualité, conforme aux lignes directrices (au Québec: norme 2014.01 de l’Ordre des Pharmaciens du Québec, aux États-Unis: l’USP <797>).
- La production centralisée à la pharmacie permet la documentation et le contrôle de qualité de la préparation, par exemple en ayant recours à des photos archivées numériquement.
- Le risque d’erreur et de contamination associé à la préparation manuelle de seringues à l’extérieur d’une enceinte de préparation stérile est minimisé.
Dans le même esprit, la préparation des doses de médicaments injectables en seringue fait partie intégrante du système de distribution unidose. Ce système implique le service par la pharmacie des doses de médicaments pour les patients hospitalisés 24h à la fois, dans un format requérant le moins de manipulation possible avant l’administration au patient. En pédiatrie, compte tenu du large intervalle de doses possibles pour chaque médicament (allant du bébé prématuré de 750g à l’adolescent de 16 ans joueur de football pesant 75 kg), ce système est essentiel à la sécurité de l’utilisation des médicaments.
Pour le moment, il ne semble pas que la FDA ou Santé Canada se dirige vers une action limitant le reconditionnement en seringue dans le cadre de la distribution unidose. Malheureusement, ceux-ci ne fournissent aucune donnée sur une durée de stockage qui serait considérée « correcte ». Il me semble néanmoins que le 24h nécessaire pour la distribution unidose entre dans les limites du raisonnable.
Dans le cas contraire, on serait obligé de revoir le mode de préparation et de distribution des médicaments injectables dans pratiquement tous les hôpitaux à la grandeur de l’Amérique du Nord.
Je crois bien qu’on n’a pas fini d’en entendre parler.
2 réflexions sur “Alerte de la FDA et Santé Canada à propos des seringues BD”