J’ai lu un article dans le dernier numéro du Journal canadien de la pharmacie hospitalière sur l’utilisation de la technologie RFID pour la préparation des plateaux de médicaments.
La technologie
La technologie RFID (radio-frequency identification, radio-identification en français) est une technologie qui repose sur l’utilisation « d’étiquettes » électroniques composées d’une antenne et d’une puce électronique capable de stocker de l’information. L’information contenue dans la puce peut être écrite ou lue par un émetteur. Dans le système de santé, cette technologie est encore peu utilisée comparativement à la technologie des code-barres.
Une application évidente de cette technologie en santé est l’identification de médicaments. En 2005, la FDA émettait un communiqué mentionnant l’utilisation de cette technologie pour assurer la protection de l’approvisionnement en médicaments contre la contrefaçon.
Plus récemment, deux compagnies ont commercialisé des systèmes de vérification des plateaux de médicaments basés sur cette technologie.
Les plateaux de médicaments sont des cabarets (en général de plastique) sur lesquels sont disposés des médicaments selon un système d’organisation prédéterminé. Leur utilisation est répandue dans les établissements de santé, le plus souvent pour les situations de réanimation et d’autres contextes, comme les salles d’opération ou les procédures mineures. La préparation des plateaux relève généralement du département de pharmacie. Selon la complexité des plateaux et le volume d’utilisation de ce système dans un établissement, leur préparation peut être une tâche assez lourde. Les assistant-techniques en pharmacie qui les préparent doivent être formés et une double vérification est souvent nécessaire pour assurer un contrôle de qualité.
La technologie du code-barre, maintenant courante dans les départements de pharmacie, et en utilisation croissante dans les hôpitaux, pourrait être utilisée pour sécuriser la validation contenant-contenu lors de la préparation des plateaux. Cependant, les codes-barres présents sur les médicaments permettent l’identification des produits mais ne comportent généralement pas le numéro de lot ni la date d’expiration du médicament. Ces éléments nécessiteront alors une vérification manuelle.
Dans les systèmes RFID commercialisés, une étiquette RFID est apposée sur les médicaments à l’avance de la préparation du plateau et encodée avec l’identification du produit, son numéro de lot et sa date d’expiration. Les produits identifiés peuvent ensuite être placés dans les plateaux et l’appareil de vérification obtient par RFID une liste complète du contenu préparé. Cette liste est comparée à la liste attendue et la conformité du plateau est confirmée, éliminant ainsi l’étape de double-vérification et assurant (du moins en théorie) une absence d’erreurs.
À noter, il existe aussi des systèmes où des codes-barres 2D contenant l’identification, le numéro de lot et la date d’expiration du médicament sont apposés sur les médicaments. La validation automatisée dans ce type de système se fait par une photo haute-résolution des codes-barres.
L’étude
Il s’agit d’une étude expérimentale et comparative. Dans un hôpital académique de 420 lits situé en Ontario, le département de pharmacie a implanté un système de vérification des plateaux de médicaments basé sur la technologie RFID. Un mois après l’implantation du système, les auteurs ont procédé à une étude de simulation où ils ont comparé la performance d’assistant-techniques en pharmacie pour la préparation des plateaux avec la méthode manuelle ou la technologie RFID. L’étude a été menée par le département où le système a été implanté, conjointement avec les représentants de l’entreprise ayant fourni le système.
4 assistant-techniques ont vérifié 4 plateaux chacun, d’abord selon la méthode manuelle et ensuite selon la méthode RFID. 56 erreurs avaient été placées dans les 4 plateaux par les employés du fournisseur. Avec la méthode manuelle, 6 plateaux sur 16 ont été approuvés avec des erreurs restantes, contre 0 avec la méthode RFID. En moyenne, la vérification d’un plateau était 4.4 minutes plus rapide avec la méthode RFID.
Mon interprétation
Le sujet de l’étude est intéressant. Mon opinion est que des lacunes dans la méthodologie de l’étude biaisent malheureusement les résultats en faveur du système RFID.
D’abord, il semble que l’étude ait été réalisée en collaboration avec les représentants de l’entreprise ayant fourni le système, ce qui devrait être évité, même si cela est déclaré et même si leur contribution à l’analyse des résultats et à la rédaction de l’article était mineur.
Ensuite, la description de l’étude semble dire que ce sont les mêmes 4 techniciens qui ont validé les plateaux selon les deux méthodes, d’abord manuelle puis RFID. Je crois comprendre que les mêmes erreurs ont été placées pour les deux méthodes. Pour les erreurs qui consistaient en un médicament expiré, manquant ou en quantité trop importante, cela a peu d’impact puisqu’il était pratiquement assuré que le système RFID détecterait ces problèmes. Cependant, pour les médicaments ouverts, seule une vérification manuelle permet la détection, même avec la technologie RFID. Les sujets de l’étude avaient donc beaucoup plus de chances de détecter ces erreurs à la vérification RFID puisqu’ils avaient déjà vu les erreurs.
Enfin, l’introduction de l’article mentionne qu’avant l’implantation du système, certains plateaux en méthode manuelle étaient d’abord préparés par un premier assistant-technique, puis revérifiés par un deuxième. Dans le contexte de l’étude, ceci ne semble pas avoir été réalisé, ce qui favorise un taux d’erreur plus élevé pour la méthode manuelle.
De façon plus générale, je ne doute absolument pas que la technologie RFID permette une détection complète des erreurs de choix de médicament ainsi que de date d’expiration, pour autant que les étiquettes soient bien encodées et apposées sur les bons produits. Un gain de temps est également assuré, pour autant que l’appareil lui-même soit rapide et que la procédure d’utilisation qui est développée soit efficiente. Ce que la technologie RFID ne peut détecter, ce sont les médicaments ouverts ou utilisés replacés dans les plateaux, ainsi que la localisation erronée d’un produit dans le plateau (à moins que la technologie ne permette la détection de l’emplacement des produits, ce qui ne semble pas être le cas si je me fie au site web des fabricants). L’étude n’a pas évalué ces points spécifiquement.
Je trouverais plus intéressant une étude rétrospective sur une longue période (un an ou plus) comparant les incidents réels observés avant et après l’implantation du système, afin de comparer non pas les gains d’efficacité et de ressources, qui ne font pas de doute, mais bien l’impact réel de cette technologie sur la sécurité des patients.
Néanmoins, la technologie est très intéressante et je crois qu’elle a un réel potentiel pour la sécurité de l’utilisation des médicaments dans le futur.
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