CONSENSUS SUR L’UTILISATION DE L’ANALYTIQUE PRÉDICTIVE DANS LES DOSSIERS MÉDICAUX ÉLECTRONIQUES
Cet article, disponible en texte complet gratuitement sur PubMed Central, est un consensus international de 17 experts à propos de l’intégration de l’analytique prédictive aux dossiers informatisés.
La méthode utilisée pour le développement du consensus a d’abord été une entrevue qualitative individuelle avec chacun des experts, afin de dégager les thèmes à aborder. Puis, l’ensemble des thèmes a été validé par l’ensemble des participants à l’unanimité. Un symposium a ensuite eu lieu où les panélistes ont été divisés en 5 groupes (un pour chaque thème), et les points amenés par chacun des 5 groupes ont enfin été discutés par l’ensemble des experts.
Les recommandations qui se dégagent sont:
- Développement de modèles et accès aux données: les organismes possédant des données de haute qualité devraient développer un mécanisme consensuel pour l’anonymisation et le partage de ces données de manière à ce qu’elles soient disponibles pour le développement de modèles. Les données de pharmacie sont explicitement mentionnées dans le document. Ceci inclut également les données collectées par les patients, cependant les limites de ces données doivent être comprises et prises en compte.
- Évaluation des modèles et transparence: il est important que les modèles développés le soient de manière transparente et qu’ils fassent l’objet d’une évaluation rigoureuse. Le panel propose: la définition de meilleures pratiques de modélisation, l’assurance que les modèles soient cohérents avec la pratique, l’inclusion de sources de données diverses, le développement de lignes directrices de validation et d’évaluation, et enfin l’explication des modèles en langage simplifié, compte tenu des techniques complexes de modélisation utilisées.
- Éthique: les modèles devraient faire l’objet d’une évaluation éthique quant à leur implantation, notamment lorsque ceux-ci sont utilisés pour prendre la décision d’intensifier ou de réduire les soins prodigués à un patient. Également, les risques et bénéfices de l’utilisation (ou de la non utilisation) de ces modèles devraient être communiqués de manière compréhensible au patient. Par ailleurs, les risques de ces modèles devraient bien être compris, notamment parce qu’il est possible qu’un modèle soit bénéfique pour la prise en charge d’une population, mais néfaste dans un ou plusieurs sous-groupes.
- Réglementation et certification: un processus d’autorégulation et de certification pour les modèles devrait être développé, le tout sans compromettre l’innovation dans ce domaine émergent. Les organismes gouvernementaux ou associations professionnelles existantes pourraient prendre en charge ce rôle. Il serait par ailleurs utile que le processus de certification comprenne un test exhaustif des modèles de prédiction ainsi qu’une synthèse de leurs failles. La notion de performance devrait aussi être comprise dans la certification.
- Éducation: les curriculums de formation des professions cliniques en santé devrait être bonifiés pour inclure les notions nécessaires à la compréhension de ces modèles ainsi que de leurs limites. Ceci inclut des notions de probabilité, de statistique, d’informatique et d’heuristique.
J’ai déjà parlé à quelques reprises de modèles de prédiction élaborés pour diverses conditions (par exemple pour l’insuffisance rénale). Il m’apparaît que l’élaboration, la validation et la description de ces modèles dans la littérature est hautement variable, et effectivement il ne semble pas toujours clair si les failles du modèle ainsi que l’aspect éthique est bien pris en compte dans leur mise en place. Je crois donc que les recommandations présentées dans ce consensus sont bien importantes.
FRANCE, IMPACT DE LA PRESCRIPTION ÉLECTRONIQUE SUR UNE UNITÉ DE CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE
Il s’agit d’une étude de type pré-post où les auteurs ont comparé l’incidence d’erreurs médicamenteuses reliées à la prescription, à la dispensation et à l’administration de médicaments, avant et après l’implantation d’un système de prescription électronique avec aide à la décision, combiné à une validation pharmaceutique des ordonnances, sur une unité de chirurgie orthopédique de 66 lits dans hôpital universitaire de 700 lits. Le texte complet est disponible gratuitement sur PubMed Central.
Deux périodes de 24 heures avant et deux autres périodes de 24 après l’implantation ont été sélectionnés pour la collecte des données. Les chercheurs ont examiné la prescription par les médecins et l’administration de médicaments par les infirmières durant les deux périodes pour comparer les erreurs.
Les erreurs de prescription ont été définies comme:
- Les prescriptions ambiguës (illisibles, sujettes à interprétation, usage d’abréviations).
- Absence de dosage ou dosage impossible (non administrable en fonction des préparations disponibles).
- Absence de voie d’administration.
- Duplication de thérapie.
Les erreurs d’administration ont été définies comme:
- Dose incorrecte.
- Moment d’administration incorrect.
- Administration au mauvais patient.
- Omission de dose.
- Administration d’un médicament non prescrit.
Durant la période pré, 111 patients ont été inclus, avec 306 prescriptions pour 1593 médicaments. Durant la période post 86 patients ont été inclus, avec 258 prescriptions pour 1388 médicaments.
À noter que, tel qu’attendu, la prescription électronique a permis l’élimination complète des ordonnances avec identification incomplète du patient, du prescripteur ou avec date manquante. En ce qui a trait aux erreurs de prescription, 30,1% des prescriptions comportaient une erreur contre 2,4% en période post (p<0,0001). Cependant, les duplications de traitement ont augmenté à la période post (0,4% contre 1,8%). Les auteurs ont attribué cela à la fonctionnalité de protocole du logiciel.
Les auteurs ont divisé les erreurs d’administration en catégories de « dispensation » et « d’administration », puisque dans leur système de travail la dispensation était effectuée par les infirmières à partir de communs d’étage vers un chariot de médicaments utilisé ensuite pour l’administration. À la phase de dispensation, le taux d’erreur était de 35,3% en pré contre 31,9% en post (p=0,07). À la phase d’administration, le taux d’erreur était de 17,1% en pré contre 14,1% en post (p<0,05).
L’étude est intéressante car elle a été réalisée de manière très pragmatique. Cependant, elle a plusieurs limites qui bien décrites dans le texte. Également, la méthode de travail et la boucle prescription-pharmacie-administration est différente dans le système français par rapport au système nord-américain. Les résultats sont donc à interpréter avec précaution dans le contexte du fonctionnement québécois.
ÉTATS-UNIS, SIMULATION DE VALIDATION D’ORDONNANCES ET DE RÉCONCILIATION MÉDICAMENTEUSE POUR LES ÉTUDIANTS EN PHARMACIE
Cette étude décrit une technique de formation utilisée pour les étudiants en pharmacie de l’Université Mercer aux États-Unis. Le texte complet de l’article est disponible sur PubMed Central.
L’objectif était de bonifier la formation d’étudiants en pharmacie par une activité où ils devaient examiner eux-mêmes un cas de patient étant admis à l’hôpital, examiner sa liste de médicaments pris à domicile, la comparer aux ordonnances d’admission et effectuer ou non la validation des ordonnances d’admission, de même que la documentation des justifications pour cette validation ou la non-validation.
Les auteurs expliquent que par cette simulation, ils cherchaient à permettre aux étudiants d’expérimenter eux-mêmes la complexité de processus, alors que ceux-ci sont d’ordinaire exposés à ce processus de manière plutôt passive durant leur processus de formation. Les auteurs expliquent bien les point négatifs de cette observation passive, notamment la difficulté de saisir toutes les subtilités du processus cognitif suivi par le pharmacien qu’ils observent.
Ils ont donc conçu une simulation basée sur l’environnement de formation d’un logiciel de dossier électronique commercial pour présenter le cas patient aux étudiants, comprenant tel que décrit plus haut une liste de médicaments à domicile, une liste d’ordonnances et des résultats de laboratoire.
Durant une période de 3 ans, un sondage a été mené auprès des 83 étudiants ayant complété cette simulation pour recueillir leur opinion par rapport à celle-ci. 95% ont affirmé que cette simulation avait été bénéfique pour leur apprentissage, et 76% que cette simulation a stimulé leur intérêt envers la pharmacie d’établissement de santé.
Je trouve que cette étude est un bon exemple de l’apport de la simulation à la formation d’étudiants en pharmacie, en particulier dans le contexte de la distribution, pour laquelle la formation est actuellement faite de manière plutôt informelle.
Crédit image: binaryproject / 123RF Stock Photo