Cette étude a été réalisée dans un centre pédiatrique tertiaire de 310 lits situé à Sidney en Australie. Un système de prescription électronique a été mis en place en avril 2016 à raison d’une unité par semaine dans tout le centre; ce logiciel faisait partie d’un dossier électronique commercial déjà en place. Les médecins et infirmières utilisant les fonctions liées à la médication (prescription et administration) ont été approchés sur les unités suite au déploiement et invités à participer à des entrevues semi-structurées afin de recueillir leurs perceptions. Les entrevues ont été menées à 4 points dans le temps aux semaines 1,3, 6 et 6 mois après le déploiement. Le recrutement était poursuivi jusqu’à l’atteinte de la saturation pour s’assurer que les données recueillies étaient de bonne qualité. Les questions ont été élaborées à l’aide d’un modèle d’acceptation de la technologie (le modèle e-TAM) dont l’avantage principal est de tenir compte du contexte.
122 participants ont été recrutés, mais seulement 8 ont fait plus d’une entrevue. L’expérience moyenne des participants était de 6 ans (1,5 à 25 ans) et 10 infirmières étaient des super-utilisateurs. Les entrevues ont durées en moyenne 8.5 minutes. Les chercheurs ont examiné les thèmes abordés par les participants à chaque point dans le temps et décrit leur évolution.
Quatre thèmes étaient présents tôt après le déploiement mais sont graduellement disparus avec le temps:
- L’utilisation d’un système hybride comme un problème lors du transfert de patients entre unités.
- L’inexpérience avec le système comme cause de problèmes.
- La diminution du temps consacré aux patients en raison des exigences du système.
- Des délais dans l’administration des médicaments à cause du flot de travail plus lent imposé par le logiciel.
Les chercheurs soulignent que la disparition de ces thèmes dans les entrevues subséquentes coïncide avec l’apparition de mentions de méthodes de contournement. Notamment, les délais d’administration étaient contournés en n’utilisant pas le système au chevet du patient, mais plutôt en documentant l’administration en différé une fois revenu au poste d’infirmières. Du côté des médecins, l’utilisation de texte libre plutôt que les vrais « ordonnances » pour prescrire était décrite.
Paradoxalement, avec le temps, les utilisateurs semblaient aussi rapporter une perception accrue de sécurité avec le passage du temps. Ceci me surprend puisque les contournements décrits (prescrire en texte libre et documenter en différer l’administration de médicaments) sont des facteurs de risque connus d’erreurs.
Les auteurs soulignent aussi qu’avec le temps, les problèmes observés avec le système se sont précisés: d’une insatisfaction générale au début, il se sont centrés sur la lenteur et l’occurence d’erreurs de système après quelques mois.
Parmi les bénéfices observés, les auteurs citent une appréciation de la disponibilité des dossiers partout dans l’hôpital, une amélioration de la lisibilité des prescriptions et des notes, de même qu’une amélioration de la continuité des soins.
Je trouve l’article intéressant car il montre bien à quoi s’attendre dans les différentes phases d’implantation de la prescription électronique, et sur quoi concentrer son attention dans le temps.