Un nouvel article sur les systèmes d’assistance aux préparations stériles avec gravimétrie est paru dans l’AJHP du mois de juillet. Cet article vient du même centre ayant décrit en 2018 l’implantation du même système dans le contexte des produits stériles dangereux. Les auteurs affirment qu’il s’agit ici de la première étude sur un tel système dans le contexte des préparations stériles non dangereuses. Une méthode très similaire à leur autre étude a été utilisée. À noter, le dernier auteur est en conflit d’intérêts avec le manufacturier du système étudié, ce qui teinte négativement cette étude.
L’étude a eu lieu dans un centre académique américain de 803 lits avec des patients adultes et pédiatriques. Le centre a implanté le système avec gravimétrie pour remplacer une technique de préparation sans technologie. Les auteurs parlent d’un système « volumétrique » avant l’implantation. Ceci pourrait être mal interprété en croyant que le système remplacé était un logiciel avec prise de photos ou de vidéos. En réalité, le centre utilisait la méthode « syringe pull-back » (je n’ai pas de bonne traduction française), cette technique qui semble prévalente aux États-Unis (je n’ai jamais entendu parler de ça au Québec !) où le technicien préparateur ramène le piston de la seringue du produit injecté dans un contenant au volume pré-injection pour que le pharmacien vérifie le volume. On comprend donc ici le risque considérable d’erreurs de préparation. Il était donc facile pour cette étude de détecter une amélioration puisque le point de départ était loin d’être optimal.
Les temps de préparation des produits stériles en période pré ont été compilés sur des formulaires papier à l’aide d’un horodateur durant une période de 14 jours. Les données sur les taux d’erreurs durant la période pré ont été compilées lors d’une étude précédente réalisée en 2015, encore une fois avec des formulaires papier. Après l’implantation, les données étaient extraites du logiciel de préparation. Les taux d’erreurs de préparation ont été comparés entre la phase pré et les 90 jours post-implantation, et les temps de préparation ont été comparés entre la période pré et 90 jours et 180 jours post. Les erreurs ont été catégorisées en erreurs de dose et erreurs de produit/diluant. Point positif à noter, les erreurs de produits détectées par le système ont été exclues par les chercheurs si elles étaient sans conséquence, comme par exemple la sélection d’une fiole non ouverte du bon produit pour lequel une fiole ouverte était disponible (étais-ce ce genre de détection qui propulsait à la hausse les taux d’erreurs de sélection de produit dans d’autres études récemment publiées ?) Des opinions par rapport au produit et au flot de travail ont aussi été collectés.
Autre point important à noter, seulement 15 produits ont été inclus dans l’étude. On ignore combien de types de préparations sont faites dans cette unité de production stérile et on ignore quels sont ces 15 produits.
Pour les taux d’erreurs, selon les auteurs, en phase pré, 116 686 préparations ont été incluses, avec 0,12% d’erreurs de produit ou de diluant, et 0,13% d’erreurs de dose. En période post, 5195 préparations ont été incluses avec 6366 erreurs détectées par le logiciel dont 2176 incluses dans l’étude, avec 0,79% d’erreurs de produit et 41,23% d’erreurs de dose. Les différences de taux d’erreurs détectées sont statistiquement significatives.
J’ai de la difficulté à comprendre les chiffres présentés. Les auteurs affirment que seuls 15 produits ont été inclus en pré comme en post, et les deux périodes étaient de 90 jours pour la détection d’erreurs, alors comment est-il possible que 22 fois plus de préparations aient été compilées en pré ? L’article n’apporte pas de clarification sur ce point. Autre élément surprenant, le système a détecté en moyenne plus d’une erreur à chaque préparation ! Dans le contexte de l’aide à la décision, on parle sans cesse de alert fatigue. Si un système de ce type génère en moyenne plus d’une alerte à chaque dose, il me semble qu’il y a un risque de désensibilisation. Aussi, un taux d’erreurs de dose de 41% me semble tout simplement aberrant. Dans la discussion, les auteurs expliquent que certaines alertes catégorisées comme erreurs de dose dans le système n’en sont pas réellement. Ils parlent aussi du problème récurrent, rapporté dans toutes les études sur ce système à ma connaissance, de l’incapacité de bien mesurer les petits volumes par gravimétrie. Enfin, l’analyse statistique n’a tenté aucune évaluation ou correction pour le fait que près de 3 ans séparent les deux phases; d’autres changements dans la pratique ont-ils eu lieu qui pourraient expliquer ces différences ?
En ce qui a trait au temps, on constate une augmentation du temps nécessaire pour préparer le matériel requis et du temps de préparation avec le système, ainsi qu’une diminution du temps de vérification par le pharmacien, mais une augmentation du temps total par préparation. Évidemment, il est difficile d’interpréter ces chiffres puisque la durée d’une préparation dépend grandement de sa complexité et on ignore quelles préparations étaient incluses dans l’étude.
En bref, il s’agit d’une autre étude sur les systèmes d’assistance aux préparations stériles, et d’une autre sur les systèmes avec gravimétrie, mais ces études continuent d’être affectées par des problèmes de méthode et des résultats étranges rendent difficile la généralisation de leurs conclusions. En ce qui a trait à la gravimétrie, on n’offre toujours aucune solution au problème des petits volumes, et il n’y a toujours aucune donnée démontrant l’impact clinique du gain de précision dans les doses sensé être amené par un tel système.
2 réflexions sur “Effets d’un système de préparations stériles avec gravimétrie sur la détection d’erreurs et le temps de préparation”