Une étude parue en novembre 2019 dans l’EJHP a examiné les caractéristiques des alertes dans un système de prescription électronique dans un hôpital académique de 350 lits situé à Londres. L’étude a eu lieu en novembre et décembre 2016. L’objectif était de déterminer la proportion d’alertes qui étaient contournées par les prescripteurs et leurs perceptions par rapport à celles-ci. L’étude s’est concentrée sur deux types d’alertes interruptives en « pop-up« , le premier type étant affiché à l’ouverture du dossier du patient et le deuxième à l’ouverture de la page de médicaments du dossier électronique. Ce dernier type nécessitait une prise d’action ou un contournement explicite pour permettre de prescrire des médicaments. Dans le contexte de l’étude, une alerte sur la révision d’antibiotiques était du premier type et une alerte d’évaluation du risque de thromboembolie veineuse était du deuxième type.
Deux étudiants en pharmacie ont observé les prescripteurs durant une période de 15 jours, à la fois durant les tournées médicales et en dehors des tournées médicales, sur trois unités de cardiologie où les prescripteurs pouvaient être des infirmières praticiennes, des médecins « juniors » (il n’est pas clair s’il s’agit de résidents) ou des médecins séniors. Les alertes présentées aux prescripteurs ont été collectées ainsi que leur action par rapport à celles-ci. Ensuite, des entretiens semi-structurés ont été menés avec les prescripteurs pour recueillir leurs perceptions et en dégager les thèmes.
Durant l’étude, 41 heures d’observation en tournée médicale et 53 heures d’observation hors-tournée ont été réalisées pour 18 prescripteurs, dont 16 médecins et 2 infirmières praticiennes. 119 alertes ont été observées, dont 85 pour la révision d’antibiotiques et 34 pour l’évaluation du risque de thromboembolie. 47% étaient en tournée médicale et 53% hors tournée. 69% des alertes ont été contournées. Après régression logistique multivariée, le facteur principal étant demeuré associé au contournement d’alertes était la tournée médicale, plus d’alertes étaient contournées durant la tournée qu’en dehors de celle-ci.
14 médecins et 2 infirmières praticiennes ont participé aux entretiens semi-structurés. Les thèmes principaux abordés étaient la pertinence des alertes, notamment:
- L’alerte de révision d’antibiotiques était dépendante de la saisie d’une date prévue de révision dans un champ et ce champ était fréquemment mal rempli, menant à des alertes intempestives.
- L’alerte d’évaluation du risque de thrombose arrivait au mauvais moment soit au début du processus de prescription de médicaments, alors que ce n’était pas le bon moment pour évaluer ce risque dans le travail clinique.
On retient également des entretiens que durant les tournées, les médecins juniors faisaient la prescription tandis que les médecins séniors prenaient les décisions de prescription, alors les alertes étaient souvent contournées par les médecins juniors qui devaient entrer les ordonnances sans prendre en considération ces alertes.
Globalement, les participants à l’étude étaient d’avis que les alertes étaient utiles mais devaient être mieux paramétrées. Je trouve que l’étude est intéressante car elle vient appuyer l’importance de bien réfléchir à la configuration d’une alerte avant de la mettre en place, pour que l’information soit présentée au bon moment à la bonne personne. Dans cette étude, les deux alertes évaluées semblaient assez mal conçues. Il est dommage que l’étude n’ait pas évalué d’alertes non-interruptive. Il demeure que cette étude démontre bien que la mise en place d’alertes électroniques n’est pas une tâche simple et qu’après leur mise en place, un suivi doit être assuré pour valider que celles-ci atteignent leur objectif.