La dernière étude sur les systèmes d’assistance aux préparations stériles avec gravimétrie dont j’ai parlé était étrange, avec une détection d’un nombre très élevé d’erreurs dans les préparations. Une nouvelle étude, parue dans l’AJHP d’octobre, avait pour objectif de comparer un système avec gravimétrie à un système de préparations stériles robotisé, dans un hôpital américain académique de 1400 lits, spécifiquement dans un contexte de préparations d’oncologie. Les deux systèmes étaient conçus par le même manufacturier, et il ne s’agit pas, à ma connaissance, de systèmes très populaires en Amérique du Nord.
L’objectif primaire de l’étude était de comparer l’exactitude et la précision des deux systèmes en utilisant les données rétrospectives de 3 ans. Les objectifs secondaires étaient de comparer les types d’erreurs avec chaque système et la performance en termes de temps. Les préparations incluses étaient celles réalisées entre janvier 2016 et décembre 2018. Les données ont été obtenues à partir de la base de données supportant les deux systèmes. Il n’est malheureusement pas clair dans l’étude comment chaque système était choisi pour faire une préparation; on voit dans les tableaux que des préparations similaires étaient effectuées avec les deux systèmes; il est donc difficile de savoir si les caractéristiques des préparations assignées à chaque système auraient pu influencer les résultats. L’exactitude des préparations était défini comme le pourcentage d’écart entre la dose réellement préparée et la dose prescrite, avec des seuils à ± 4% ou ± 10%. La précision était définie comme la distribution des valeurs d’exactitude à travers toutes les préparations.
60 329 préparations ont été faites durant la période d’étude dont 42 129 avec le robot et 18 136 avec le système gravimétrique. En ce qui a trait à l’exactitude, 2,47%(1042) des préparations du robot et 1,58% (287) des préparations avec gravimétrie ont été classées comme des erreurs, une différence statistiquement significative (p < 0,001). À la fois pour le robot et la gravimétrie, on observe une diminution des taux d’erreur avec le temps. En terme de précision, selon la façon de comparer les distributions, on observe soit aucune différence, soit une différence statistiquement significative mais très petite.
Au niveau des catégories d’erreurs, on voit plus d’erreurs de sélection de diluant, de médicament et de préparation avec le système gravimétrique, ce qui est peu surprenant considérant que le système est opéré par des humains, en fait c’est un bon signe que le système intercepte ces erreurs, on ne s’attend tout de même pas à ce que le système prévienne les erreurs avant qu’il n’ait pu les détecter ! Pour le temps, le système robotique était plus lent (13min 57sec de mise en place avant la préparation contre 10min 23sec; et 6min 07 sec de préparation contre 2min 39sec). Cependant, plus d’interventions humaines étaient requises pour corriger les erreurs avec le système gravimétrique, bien évidemment.
Les auteurs concluent que les différences de précision et d’intervention entre les deux systèmes sont mineures, et que le système robotique est plus lent mais requiert moins d’intervention humaine. Ils suggèrent que les facteurs motivant la décision d’implanter un système ou l’autre ne devraient pas être ceux-ci.
Il me semble que beaucoup d’études sur les systèmes d’assistance aux préparations stériles cherchent à démontrer un gain de précision, en assumant automatiquement qu’il s’agit d’un avantage intéressant du point de vue clinique et que ce gain justifierait l’utilisation d’un système plutôt qu’un autre. Pourtant, on sait que les formules utilisées par exemple pour calculer la surface corporelle sont approximatives, et même les mesures de poids et de taille elles-mêmes sont imprécises. De même, les doses prescrites sont souvent arrondies pour faire des « chiffres ronds ». Dans ces circonstances, j’ai beaucoup de difficulté à croire qu’un gain de précision ou d’exactitude au-delà d’un certain seuil offre un réel avantage clinique. Au moins, dans la discussion, les auteurs de la présente étude reconnaissent que la plupart des erreurs détectées n’étaient pas cliniquement significatives.
Indépendamment d’un éventuel effet sur la précision des doses préparées, je suis d’avis que les logiciels d’assistance aux préparations stériles sont avantageux. La capacité qu’offrent ces systèmes de documenter que chaque étape de préparation a été réalisée adéquatement, de pouvoir valider une préparation sans l’observer en temps réel, l’assurance du respect des étapes de préparations à travers une guidance par le logiciel, la vérification des ingrédients par code-barres, et la documentation des quantités utilisées avec des photos ou de la gravimétrie, entre autres, sont des avantages incontestables par rapport à la vérification à l’oeil nu en temps réel par le pharmacien, qui était la norme auparavant. Il me semble qu’il serait temps d’arrêter de chercher à démontrer une différence de précision et de se concentrer plutôt sur les gains d’efficience dans les opérations.