Les logiciels d’assistance aux préparations stériles (appelés d’abord en anglais IV Workflow Software puis Technology-Assisted WorkFlow (TAWF), qui semble être le terme favorisé actuellement) font régulièrement l’objet de publications. Dans le numéro de juillet 2021 de l’AJHP, un article décrivait l’implantation d’une fonctionnalité d’assistance aux préparations intégrée au logiciel de dossier électronique déjà en place dans un centre, comparativement aux publications décrivant généralement des produits séparés et interfacés au dossier principal.
L’étude a été réalisée dans une institution américaine comportant 4 pharmacies desservant des cliniques d’infusion ambulatoires en oncologie. Un logiciel distinct du dossier électronique était déjà en place pour la vérification des préparations à l’aide de photos. Cependant, le dossier électronique lui même était utilisé pour la documentation des ingrédients et la traçabilité de la préparation, afin de supporter les processus de facturation. Une transition a été menée en 2019 vers un système de vérification des préparations avec photos intégrée au logiciel de dossier électronique. Les auteurs décrivent les avantages de cette transition: notamment la réduction du recours à la saisie manuelle d’information dans le système séparé (on comprend que le système était peu ou pas interfacé avec le dossier électronique) et une réduction de coût annuelle d’environ 36 000$ américains (on a donc une idée du coût annuel d’un tel système). Le nouveau système a requis l’installation de postes informatiques complets ainsi que des caméras dédiées à chaque hotte stérile plutôt que les tablettes précédemment utilisées. Des ajustements ont été nécessaires aux processus de travail et à la configuration des flux de travail de vérification des préparations dans le logiciel de dossier électronique. Il est intéressant de noter que la vérification des préparations pour les quatre pharmacies était réalisée à distance de manière centralisée dans une des quatre pharmacies. Une impression d’une étiquette finale était déclenchée par la vérification à distance, signalant que la préparation avait été vérifiée et pouvait être dispensée.
La transition semble s’être bien passée, requérant seulement 2 jours de support sur place. Cependant, des difficultés techniques ont été constatées avec la prise de photos requérant l’achat de composantes techniques additionnelles, en sus de difficultés liées au flux de travail de vérification qui ont nécessité des ajustements à la configuration des files de vérification.
Cette transition a été évaluée à l’aide d’un devis pré-post avec une période 3 mois avant l’implantation et 3 mois après l’implantation. Les durées des étapes de préparation ainsi que les taux de détection d’erreurs ont été comparées. 4188 préparations stériles ont été réalisées avant la transition et 3313 après. La durée entre l’impression initiale de l’étiquette de préparation et la complétion de la préparation était plus grande avec le système intégré (16,8 vs 19,3 minutes). La durée totale de la production jusqu’à la fin de la vérification était de 23,1 minutes avec le système séparé et 26,7 minutes avec le système intégré; cependant les auteurs ont noté une diminution des temps à chaque mois après la transition, on peut donc déduire qu’une période d’attente avant la réalisation de la période post aurait été préférable pour permettre aux habitudes de s’installer avec le nouveau système et ainsi refléter un peu mieux la performance en vie réelle. Les taux d’interception d’erreurs étaient de 0,72% avec le système externe et 0,88% avec le système intégré, ce que les auteurs ont jugé comparable.
Je trouve l’étude intéressante car elle démontre l’impact relativement mineur (essentiellement des enjeux techniques facilement surmontés) d’une transition d’un système externe à un système intégré. La gestion du changement liée à cette transition est bien décrite dans l’article. Bien que l’enjeu de la retranscription manuelle d’un système à l’autre ne soit pas abordé à fond dans l’article, il me semble que l’élimination de cette étape est un avantage majeur qui en soi justifie pleinement la transition vers le système intégré, dans l’optique du circuit du médicament en boucle fermée. Évidemment, ce genre d’avantage peut cependant devenir un frein à l’interopérabilité; on peut imaginer certains développeurs de dossiers électroniques refusant la mise en place d’interfaces vers des systèmes externes dans le but de forcer l’utilisation de leurs fonctionnalités intégrées. Il est dommage que l’article n’aborde pas les raisons de l’absence d’interface (impossibilité technique ? coûts ? manque de collaboration des fournisseurs ?).