De nombreux articles ont été publiés sur les registres nationaux de médicaments pris par les patients à domicile, à l’international comme au Québec. Jusqu’à maintenant, on peut assez facilement constater que les enjeux vécus ici avec notre DSQ ne sont pas uniques. Essentiellement, un peu partout, on constate que les patients ne prennent pas réellement les médicaments de la même manière qu’indiqué dans ces registres, pour une variété de raisons. Certaines découlent de la manière dont ces registres sont alimentés, d’autres du simple fait que les patients peuvent décider par eux-mêmes de prendre leurs médicaments différemment de la prescription.
Un nouvel article, paru dans le numéro d’octobre 2022 du Pharmactuel, rapporte une étude réalisée sur la fiabilité du DSQ après des mises à jour réalisées en 2019 et 2020 au niveau du domaine médicament. Notamment, les médicaments prescrits mais non dispensés sont maintenant affichés au DSQ, de même que les médicaments d’annexe II et III (non prescrits mais dispensés sous supervision du pharmacien ou avec inscription au dossier pharmacologique).
L’étude a été réalisée aux hôpitaux de Chicoutimi, Jonquière et La Baie au Québec, de juin à juillet 2020. Les patients de 18 ans ou se présentant à l’urgence ou hospitalisés, pour lesquels un profil pharmacologique a été obtenu d’une pharmacie communautaire de même qu’un profil DSQ à moins de 72 heures d’écart, ont été inclus. Les patients sans DSQ, ceux hébergés en CHSLD et ceux transférés d’autres hôpitaux ont été exclus.
Pour des raisons légales, seuls les profils de DSQ consultés par les pharmaciens dans le cadre de leur travail « normal » (sans considération pour le projet de recherche) ont pu être inclus. Les données affichées sur le profil du DSQ ont été comparées aux données du profil pharmacologique. Les divergences ont été classées selon des catégories prédéterminées.
124 patients ont été inclus, avec un âge moyen de 71 ans et prenant une médiane de 12 médicaments; représentant au total 1488 ordonnances. 9,7% des ordonnances présentaient une divergence (48,4% des patients avaient au moins une divergence), dont 23% un ajout, 34% une omission, 0,7% une différence de dose, 12,5% une différence de posologie, 25,7% une duplication, et 4,2% une divergence autre. 10,4% des médicaments étaient à haut risque. Fait intéressant, 56% des patients recevant leurs médicaments en piluliers avaient au moins une divergence contre 41% pour les autres patients. On aurait pu s’attendre à ce que les patients recevant leurs médicaments en piluliers aient bien moins de divergences compte tenu de la rigueur de la tenue de dossier requise pour ce genre de modalité de service. Les deux médicaments avec le plus de divergences étaient l’acétaminophène et la vitamine D.
Les auteurs analysent en détail les causes des divergences observées, je vous invite à lire l’article au complet pour tous les détails. On peut en retenir que l’ajout au DSQ des médicaments prescrits mais non délivrés de même que des ajustements par rapport au délai avant qu’une ordonnance complétée ou cessée ne disparaisse du profil du patient, semblent avoir eu des effets bénéfiques. La présente étude démontre donc un taux de divergence de 9,7%, alors qu’une étude antérieure avait démontré un taux de divergence d’environ 12%. Les auteurs rapportent également des données non publiées précédemment collectées entre les deux mises à jour de 2019 et 2020. Donc, de façon générale, on peut constater que le DSQ est très fiable, d’autant plus que la majorité des divergences concernaient des médicaments (acétaminophène, vitamine D) pour lesquels les divergences sont inévitables et peu susceptibles d’être cliniquement significatives.
Comme les auteurs le mentionnent, l’étude a uniquement comparé le profil pharmacologique de la pharmacie communautaire au profil du DSQ. Il faut souligner que l’objectif de ces listes est d’aider à déterminer les médicaments que le patient prend réellement. Cependant, autant les profils de pharmacie communautaire que le profil du DSQ ne peuvent pas prendre en compte les cas où les patients prennent leurs médicaments différemment de ce qui a été prescrit (pour les médicaments d’annexe I) ou recommandé par le pharmacien (pour l’annexe II ou III). La seule source possible de cette information est une discussion avec le patient ou la ou les personne(s) qui s’occupent de ses médicaments. Citons notamment les cas où des instructions verbales d’ajustement de posologie sont transmises par un prescripteur sans prescription écrite à la pharmacie, les patients s’approvisionnant à plus d’une pharmacie, les patients obtenant des médicaments ailleurs qu’en pharmacie communautaire (programme d’accès spécial, recherche, sources hors Québec, échantillons, etc.), et les patients qui décident par eux-mêmes de prendre leurs médicaments différemment de ce qui est prescrit. Bien que ce soit toujours un enjeu en raison de l’effort et des ressources que cela requiert, rien ne peut remplacer une conversation avec le patient, lorsque possible bien sûr, pour déterminer ce qui est réellement pris.