Tests d’allergie à la pénicilline par un pharmacien en hôpital

Cet article décrit un service mis en place dans un hôpital universitaire public de 870 lits situé au Texas. L’objectif du service était de permettre des tests cutanés rapides d’allergie à la pénicilline chez les patients déclarant une allergie et rencontrant certains critères, suivi d’un challenge oral à l’amoxicilline, afin de confirmer ou d’infirmer une allergie IgE médiée et ainsi de permettre une administration sécuritaire d’antibiotiques de cette classe ou de classes reliées. Ceci est particulièrement pertinent quand on sait que l’allergie à la pénicilline est souvent déclarée par les patients, alors que ceux-ci ne sont pas réellement allergiques, et parfois ne se souviennent même plus de leur réaction, et que ceci influence négativement le choix d’antimicrobiens pour ces patients. Fait intéressant, les tests d’allergie décrits dans cette étude étaient effectués par des pharmaciens.

Une prévalence de 8% d’allergie à la pénicilline rapportée par les patients a été observée chez les patients de cet hôpital préalablement à cette étude, ce qui est comparable à la proportion de 8 à 12% d’allergie à la pénicilline rapportée rapportée dans la population générale. Les données ont été collectées de novembre 2014 à avril 2016. Un algorithme a été mis en place dans le dossier électronique de l’institution afin de cibler les patients les plus susceptibles de bénéficier de ces tests (patients sous antibiotiques à large spectre, patients immunosupprimés) et d’exclure ceux qui ne rencontrent pas les critères d’éligibilité (prise d’antihistaminiques, réaction anaphylactique documentée, etc). Le protocole de test est décrit en détail dans l’article. Les patients étaient testés par le pharmacien de ce service, et en absence de réaction l’allergie à la pénicilline était désactivée dans le dossier électronique avec une documentation appropriée.

Durant la période à l’étude, 1203 patients ont été identifiés, et 252 ont été testés suite à la priorisation selon l’algorithme électronique. La moyenne d’âge était 49,3 ans, et la majorité des patients étaient hospitalisés sur une unité générale. Presque tous les patients ont reçu un antibiotique durant leur hospitalisation, principalement pour une infection de la peau ou des tissus mous, une infection urinaire ou pulmonaire. La plupart des patients ont décrit des réactions de type urticaire ou angio-oedème, cependant ces réactions dataient la plupart du temps de 10 à 20 ans.

5 patients ont pu voir leur étiquette d’allergie retirée suite à une simple entrevue verbale. 228 patients ont eu un test cutané complet, et de ceux-ci 223 ont été négatifs. Seulement 5 patients ont testé positif, dont 4 au test cutané et 1 au challenge oral. 19 patients n’ont pas complété le test pour diverses raisons. Au total, 90,5 % des patients testés ont pu voir leur étiquette d’allergie retirée.

Suite aux tests, les auteurs ont constaté une diminution de l’utilisation de vancomycine de 33%, de clindamycine de 61%, de quinolones de 36%, de carbapénèmes de 50% et d’aztreonam de 68% chez les patients inclus, avec une utilisation concomitante de pénicillines ayant augmenté de 20 fois.

Fait important à souligner, 16 des 223 patients qui ont testé négatif ont vu leur étiquette être réajoutée par un autre professionnel de la santé après l’épisode de soins concerné par l’étude, mais les pharmaciens du service ont été en mesure de faire retirer cette étiquette à nouveau. Ceci correspond à ce que j’observe en pratique, même lorsqu’une allergie est testée et infirmée, bien souvent les patients continuent de la rapporter ou des professionnels mal informés la réajoutent « pour bien faire », sans se rendre compte des conséquences potentiellement négatives de cette allergie, en particulier sur les choix d’antimicrobiens. Je constate aussi une grande confusion entre ce qui est réellement une allergie, ce qui est une intolérance ou simplement une préférence du patient. Dans la discussion de l’article, les auteurs présentent une avenue intéressante avec les dossiers électroniques: la possibilité d’ajouter une alerte spécifique à l’ajout d’une allergie lorsque cette allergie a déjà été présente et retirée. Ceci permettrait au professionnel qui l’ajoute de se poser des questions sur cette allergie et de valider si celle-ci a déjà été testée et infirmée.

Flambée du coût de l’EpiPen aux États-Unis

54410873_sLa compagnie Mylan, qui distribue l’auto-injecteur d’épinéphrine EpiPen aux États-Unis, et qui a un quasi-monopole depuis le rappel de Allerject (Auvi-Q aux États-Unis; il y a quelques autres produits mais ils sont beaucoup moins utilisés), fait l’objet depuis quelques temps de lourdes critiques dans les médias en raison de la flambée des prix de ce produit. Si vous avez suivi mon fil Twitter, vous avez sûrement vu plusieurs articles à ce sujet dans les dernière semaines. Voici en rafale quelques liens pour bien comprendre la situation:

Et pour la perspective canadienne:

Il est utile de rappeler que les mécanismes de la RAMQ fixent les prix au Québec pour les personnes assurées par le RGAM. Pour les personnes assurées au privé, le prix peut varier selon la pharmacie mais il est en général dans le même ordre de grandeur que le prix de la RAMQ. En ce moment, sur la liste RAMQ du 19 août 2016, le prix est de 81$ par auto-injecteur (plus les honoraires du pharmacien, qui sont eux aussi fixés pour les assurés du RGAM, et bien sûr le prix final dépend des autres médicaments obtenus au courant de l’année puisqu’il s’agit d’un régime d’assurances).

Articles de la semaine

ÉTATS-UNIS, REPENSER LE CODAGE DES ALLERGIES DANS LES DOSSIERS ÉLECTRONIQUES

Cet article de revue propose des recommandations pour la conception des modules d’allergie dans les logiciels de dossiers électroniques, je trouve que les mêmes recommandations s’appliqueraient bien aux logiciels de pharmacie. Le codage actuel des allergies est souvent basé sur des listes de médicaments ou des groupes plus ou moins bien définis. Hors, le codage d’une allergie dans un dossier n’est pas un acte bénin, puisqu’une fois qu’un patient est listé allergique, il devient extrêmement difficile de lui retirer cette étiquette; plein de professionnels bien intentionnés mais mal informés continuent par exemple de lister une allergie même lorsqu’un patient a eu un challenge négatif, ce qui peut influencer les choix de traitement.

Les recommandations proposés dans l’article sont les suivants:

  • Renommer le champ « allergies » pour « intolérances » (incluant les allergies).
  • Coder les intolérances dans ce champ selon 4 types:
    1. Les préférences du patient (qui n’a déjà pas vu un patient « allergique aux génériques » ?)
    2. Les contre-indications, par exemple liées à une enzyme comme la déficience en G6PD ou le HLA-B*5701 pour l’abacavir.
    3. Les effets indésirables comme la dyskinésie tardive
    4. Les réactions immunologiques comme les réactions IgE médiées (anaphylaxie, urticaire), les réactions cutanées, etc.
  • Les champs de documentation devraient permettre de coder le nom ou la classe du médicament, la date de la réaction, les détails de réaction, et la mention suspecté, confirmé ou infirmé, de même que les détails des tests effectués.
  • Prévoir des champs spécifiques pour les allergies environnementales et alimentaires, distincts des champs pour les médicaments.

ÉTATS-UNIS, CARTES DE PROXIMITÉ POUR L’ACCÈS AU SYSTÈME INFORMATIQUE

Cet article est un sondage pré et post implantation de la technologie des cartes de proximité pour l’authentification des utilisateurs à leur session informatique. L’avantage d’une telle technologie est une plus grande facilité d’utilisation; notamment il n’est plus nécessaire de taper un nom d’utilisateur et un mot de passe à chaque ouverture d’ordinateur. Combiné à une technologie de virtualisation de bureau, ceci peut offrir un flot de travail beaucoup plus efficient. Cette étude a eu lieu à l’unité d’obstétrique / gynécologie d’un hôpital universitaire américain, en pilote à l’ensemble du centre.

L’implantation a eu lieu en décembre 2010; le questionnaire pré était en juillet 2010 et le questionnaire post en mars 2011. Le questionnaire a été développé conjointement par une équipe clinique et une équipe d’informatique. 77 personnes ont répondu au questionnaire pré et 33 au questionnaire post; la majorité des répondants étaient des infirmières. Entre le questionnaire pré et post, on constante que le nombre rapporté d’ouvertures de session par quart de travail est demeuré similaire, mais que la perception de la vitesse d’ouverture de session s’est améliorée, la satisfaction à l’égard du processus s’est améliorée, et le nombre rapporté d’utilisations sous l’authentification d’un autre utilisateur a diminué, ce qui est une bonne chose du point de vue de la sécurité.

Parmi les autres commentaires notés, on souligne le fait qu’un des logiciels fréquemment utilisé ne supportait pas le single sign-on, donc les utilisateurs devaient s’y connecter en tapant leur mot de passe malgré la nouvelle technologie. Également, les lecteurs de carte n’étaient pas installés sur tous les ordinateurs.

AUSTRALIE, UTILISATION DE LA TECHNOLOGIE POUR AMÉLIORER LA PRESCRIPTION D’ANTIMICROBIENS

Cet article de revue avec méta-analyse avait pour objectif d’évaluer l’effet des interventions technologiques sur l’utilisation des antimicrobiens en contexte hospitalier. Une revue systématique de Embase, Medline et Pubmed depuis leur création jusqu’à mars 2015 a été menée. Les études dans une langue autre que l’anglais, celles n’ayant pas de groupe contrôle, celles en dehors du milieu hospitalier, celles n’ayant pas évalué la prescription et celles ayant évalué une intervention combinée avec une mesure non technologique ont été exclues.

3056 articles ont été identifiés, dont 1903 articles uniques en anglais. 111 ont été lus en texte complet, et 45 ont été inclus dans l’étude. La qualité des études était faible, avec un score moyen de 6/10 selon un score de qualité décrit en référence. 4 types d’intervention étaient décrites dans ces études:

  • Les systèmes d’aide à la décision indépendants
  • Les systèmes d’aide à la décision intégrés à un dossier électronique ou un logiciel de prescription électronique
  • Les systèmes d’approbation d’antimicrobiens informatisés
  • Les systèmes de surveillance

Les effets de ces systèmes ont été évalués par rapport à trois issues:

  • L’usage approprié des antimicrobiens: la définition de ce terme était variable, mais 10 études ont pu être incluses dans cette analyse. Les études étaient hétérogènes, mais la méta-analyse a démontré un effet bénéfique de manière générale (RR 1.49). Cependant, en définissant l’usage approprié comme l’adhésion aux lignes directrices, aucun effet n’a été observé. 5 études ont évalué la susceptibilité de l’organisme identifié à l’antibiotique prescrit, un effet bénéfique sur ce paramètre a été observé (RR 1.19). Enfin, en incluant seulement les 7 études avec score de qualité plus grand que 5/10, l’effet observé n’était plus significatif.
  • Mortalité: aucun effet n’a été observé.
  • Durée de séjour: aucun effet n’a été observé.

Les auteurs soulignent la grande hétérogénéité des études publiés, ce qui rend difficile toute analyse comparative, revue systématique ou méta-analyse. Également, plusieurs études décrivaient des barrières à l’implantation et à l’utilisation de tels systèmes par les prescripteurs, ce qui complique davantage l’analyse.

Les conclusions de cet article vont dans le même sens que celles d’une autre publication récente.