Compétences en informatique clinique pour les étudiants en pharmacie

Les programmes de formation en pharmacie contiennent certains éléments d’informatique clinique. Il existe des curriculums de formation créés par plusieurs associations qui peuvent être utilisés par les facultés de pharmacie pour intégrer l’informatique clinique à leurs cours. J’ai déjà parlé de Partners in E, un programme américain, ainsi que d’un programme canadien similaire. Mon dernier accès à la documentation de Partners in E remonte à l’an dernier, et à ce moment, la dernière mise à jour datait de 2016. Depuis, l’accès aux modules ne semble plus fonctionner, je ne sais pas ce qui se passe. Ce programme est-il encore maintenu ? Du côté canadien, le programme a déménagé à l’adresse http://elearnhcp.ca et s’est développé, même si ça demeure un cours d’introduction. L’accès est maintenant ouvert à tous sur simple inscription en ligne.

Un article paru en mars dans le American Journal of Pharmaceutical Education, et disponible en texte complet sur PubMed Central, discute du contenu des formations en informatique clinique destinées aux étudiants en pharmacie. Il s’agit d’une démarche menée par l‘American Association of Colleges of Pharmacy, qui avait pour objectif de réviser la liste de compétences à inclure dans les programmes de premier cycle en pharmacie.

Un groupe de l’organisation a établi une liste initiale de compétences sur la base d’une revue de littérature et de leur expérience personnelle. Ensuite, deux rondes de focus groups d’une durée d’une heure ont été menées avec des participants recrutés parmi l’ensemble des membres de l’AACP. La liste de compétences a été ajustée suite à ces discussions.

8 personnes ont participé aux focus groups. Ça me semble peu, il aurait été intéressant d’avoir une idée de combien de personnes étaient éligibles, et combien ont été invitées. Les commentaires des participants étaient que la liste de compétences était trop grande et contenait trop d’éléments rudimentaires ou non spécifiques à la pharmacie. Les participants ont discuté de la manière d’intégrer l’informatique clinique dans la formation universitaire, par exemple dans un cours spécifique ou à travers plusieurs cours.

Les compétences que les participants ont identifiées comme prioritaires étaient:

  • Les standards d’interopérabilité
  • L’informatique biomédicale (je ne suis moi-même pas certain de ce que c’est…)
  • Les technologies émergentes
  • Les enjeux légaux et réglementaires
  • Les concepts de sécurité de la prescription électronique

Les auteurs présentent les compétences qu’ils ont identifiées sous la forme de schémas et tableaux. Je dois dire que je suis d’accord avec le commentaire que les compétences ciblées sont très éparpillées et certaines sont très génériques et d’autres spécifiques mais non reliées à la pharmacie, comme la gestion de courriels, les protocoles de communication de l’internet en général, les mots de passe… Le contenu le plus intéressant de l’article est un tableau détaillé des compétences spécifiques à la pharmacie. Le lien est difficile à trouver dans l’article donc je le donne ici:
https://files.acrobat.com/a/preview/57009581-eccf-4868-8526-def02eff200b . C’est un très gros tableau qui liste une multitude de compétences qui ne sont pas toutes d’utilité égale, mais je trouve quand même utile pour une personne qui veut travailler en informatique de pharmacie de lire l’ensemble du tableau et de s’assurer d’au moins connaître chacun des points listés et de pouvoir en discuter.

Enseignement de l’informatique clinique en pharmacie

J’ai déjà parlé de Partners in E, un programme d’une faculté de pharmacie californienne hébergé par HIMSS qui propose un curriculum standardisé à intégrer aux programmes de Pharm.D pour l’enseignement de l’informatique en santé.

Le pharmacien Alexandre Chagnon (@AlexandrChagnon) m’a également fait part via Twitter d’un programme de formation canadien provenant de l’Association des Facultés de Pharmacie du Canada développé en partenariat avec des universités canadiennes et Inforoute Santé du Canada.

J’ai lu récemment dans le American Journal of Pharmaceutical Education un énoncé sur la formation en informatique clinique et les carrières en informatique pour les pharmaciens. L’article est bien écrit, je crois que c’est un must pour bien comprendre les enjeux par rapport à ce sujet.

L’article débute par une perspective historique sur l’évolution de l’informatique en santé et de son enseignement, puis discute des exigences de certification aux États-Unis pour les facultés de pharmacie, de même que des composantes d’informatique dans ces exigences. Suit une comparaison avec les programmes similaires en soins infirmiers et en médecine.

Les initiatives existant en pharmacie sont détaillées, incluant Partners in E et même le programme canadien !

Les dernières pages de l’article comportent une liste de références et approches suggérées en informatique de pharmacie, découpée par étape du circuit du médicament et par objectif. Cette liste en elle-même est un outil très intéressant.

Un second article est prévu pour présenter un plan pour former des pharmaciens qui se destinent à devenir des experts en informatique clinique.

Articles de la semaine

États-Unis, intégration de l’informatique de la santé au curriculum des étudiants en pharmacie

Cet article est disponible gratuitement en texte complet sur PubMed Central. Il décrit la démarche d’intégration d’une formation sur l’informatique de la santé à un cours d’information sur les médicaments en deuxième année du programme de Pharm.D du California Northstate University College of Pharmacy.

Le cours ciblé pour l’incorporation de cette formation était un cours de 3 crédits sur l’information sur les médicaments et l’évaluation de la littérature, utilisant une approche d’apprentissage par équipe. Les objectifs de la partie portant sur l’informatique étaient de définir la terminologie de l’informatique de la santé, de décrire les bénéfices et les contraintes de la technologie en santé, et de comprendre les bénéfices de l’analyse de données pour les pharmaciens. Le cours était donné sur 5 semaines consécutives.

Le cours a utilisé comme matériel didactique une formation en ligne développée par l’Université de la Californie à San Francisco (UCSF) School of Pharmacy, et accessible gratuitement en ligne, appelé Partners in E. 18 équipes de 5 à 6 étudiants on été formées. Une à deux vidéos sélectionnées de ce programme devaient être visionnées par chaque étudiants avec des objectifs précis, puis un test de 10-15 minutes était administré à chaque étudiant pour évaluer son niveau de préparation. Ensuite, le niveau de préparation de chaque équipe était évalué à l’aide d’un deuxième test de 10-15 minutes. Une petite formation théorique donnée par un conférencier suivait, puis des exercices d’équipes portant sur des problèmes pratiques rencontrés par les cliniciens avaient lieu, avec une discussion en classe.

Afin d’évaluer le programme, un sondage a été diffusé aux étudiants avant le premier jour de cours, puis encore après la complétion de la formation. Le sondage évaluait le niveau d’expérience avec l’informatique de la santé avant la formation, suivi de 7 questions spécifiques sur les notions du cours, 7 questions sur l’attitude des étudiants face à l’informatique de la santé, 4 questions sur leur confiance par rapport à cette technologie, et 3 questions sur leurs intentions futures par rapport à la technologie.

83 des 99 étudiants participant au cours ont complété le sondage. 51% n’avaient pas d’expérience préalable face à la technologie en santé, 46% avaient déjà eu une exposition à travers leur emploi, et 6% à travers d’autre cours. Tous les aspects de connaissance enseignés durant le cours se sont significativement améliorés dans le sondage post comparativement au sondage pré, soit la gestion des données, l’aide à la décision, la prescription électronique, les dossiers médicaux électroniques, l’interopérabilité, et les systèmes d’information sur les médicaments. De même, la confiance des étudiants était significativement améliorée, mais leur attitude par rapport à la technologie n’a pas changé.

Les auteurs concluent que l’expérience était globalement positive, néanmoins les auteurs notent que les étudiants ont trouvé que l’opportunité d’interagir avec les systèmes étudiés était trop limitée. Ils soulignent que de telles formations devraient inclure des séances où les étudiants peuvent utiliser les logiciels par eux-mêmes.

États-Unis, erreurs liées à la prescription électronique

Cette étude avait pour objectif de décrire les erreurs de prescription liées à des logiciels de prescription électronique dans 6 organisations de santé américaines, incluant des centres hospitaliers académiques ainsi que des pratiques communautaires, des patients hospitalisés et vus en externe, ainsi que des logiciels maison ou commerciaux. 10 logiciels ont été inclus dans ces 6 sites. Cette étude s’inscrit comme une phase d’une plus grande étude sur 2 ans financée par la FDA portant sur divers aspects de la prescription électronique.

Spécifiquement, la présente étude portait sur les rapports d’erreurs enregistrés entre janvier et avril 2013 dans les centres à l’étude, pour lesquels une erreur de prescription a été identifiée. De celles-ci, les erreurs liées au logiciel de prescription électronique ont été incluses. Les rapports d’erreurs ont été analysés par deux pharmaciens, qui ont utilisé une taxonomie établie précédemment, mais raffinée en cours d’étude, pour déterminer spécifiquement les conséquences pour le patient, ce qui a failli durant la prescription électronique, et la cause de cette erreur.

2522 rapports d’erreurs de prescription ont été analysés, de ceux-ci 1308 (51,9%) ont été inclus comme étant reliés spécifiquement à la prescription électronique. Dans 171 de ces cas (13,1%), il a été déterminé que le logiciel a causé ou facilité l’erreur, tandis que dans les 1137 (86,9%) cas restants, il a été jugé que le logiciel n’a pas causé l’erreur, mais qu’il aurait pu attraper l’erreur s’il avait été mieux configuré.

Les types d’erreurs causées par les logiciels comprenaient:

  • Une nomenclature erronée dans la banque de données.
  • Des limitations du système forçant les prescripteurs à utiliser un contournement pour arriver à prescrire.
  • Un affichage confus.
  • La prépopulation de champs avec des données inadéquates.
  • L’envoi d’ordonnances au mauvais destinataire.
  • Des problèmes de sélection dans des menus.
  • Des ordonnances pré-rédigées, des protocoles ou de l’information sur les médicaments n’étant pas à jour.
  • La possibilité d’ouvrir les dossiers de plusieurs patients en même temps.

Les types d’erreurs non-interceptées par les logiciels comprenaient:

  • L’absence d’alertes pertinentes pour les duplications, les doses élevées, les interactions significatives ou l’horaire d’administration.
  • L’absence de transmission de cessations.
  • Des erreurs dans le bilan comparatif.
  • L’absence de stratégies pour prévenir le mélange de noms de médicaments similaires.

Des exemples concrets sont données dans l’article. Les conséquences les plus fréquentes étaient un délai d’administration dans 33,6% des cas, l’administration de thérapie dupliquée dans 16,2% des cas, l’administration ou l’interception juste avant l’administration d’une dose élevée dans 10,6% des cas, la non-administration d’un médicament requis dans 6,7% des cas et l’administration du mauvais médicament dans 5,4% des cas.

La cause de l’erreur n’a pu être établie que dans 30,8% des cas, en raison de l’absence de détails suffisants sur les rapports d’erreur. Les causes principales identifiées étaient:

  • Des problèmes de transmission d’ordonnances (comme l’entrée d’ordonnances dans des systèmes ou des champs non transmis à la pharmacie).
  • Le non-respect d’une procédure établie ou d’un protocole (comme l’administration d’un vaccin enregistrée comme une nouvelle prescription plutôt qu’une administration, résultant en une ordonnance générée et une deuxième administration du même vaccin).
  • Des problèmes de conception des systèmes (comme la non-transmission de la cessation d’un antihypertenseur et une nouvelle ordonnance pour un autre agent, résultant en l’administration de deux antihypertenseurs).
  • L’absence de réalisation du bilan comparatif (comme la non-represcription d’un médicament pris chroniquement lors de l’admission).
  • L’absence d’aide à la décision (comme l’absence d’alerte pour un patient en insuffisance rénale ayant mené à la prescription d’une pleine dose alors qu’une dose réduite était nécessaire).

Les auteurs concluent sur quelques recommandations pour améliorer la conception et le paramétrage des systèmes de prescription électronique afin d’éviter ces erreurs à l’avenir. Évidemment, une telle étude est limitée par le devis d’analyse de rapports d’erreur, on sait que ces rapports sous-déclarent les événements et que des détails cruciaux sont parfois manquants. Néanmoins, je trouve que ces observations correspondent plutôt bien à la réalité et ciblent des points pertinents à connaître pour bien paramétrer un logiciel de prescription électronique.

États-Unis, effets de la prescription électronique de la nutrition parentérale en néonatologie

63404113 - blood bag icon, medical signCette étude rétrospective de type pré-post avait pour objectif de comparer l’atteinte des objectifs de la nutrition parentérale en néonatologie pour les patients de moins de 1750 g à la naissance, avant et après l’implantation d’un système de prescription électronique avec aide à la décision. L’étude a eu lieu dans un centre américain tertiaire situé en Floride, dans une unité de soins intensifs néonatals de niveau III comprenant 60 lits.

Le système de prescription électronique implanté est peu détaillé, mais comprend certaines fonctionnalités comme la sélection par défaut des doses cibles d’acides aminés et de lipides, l’affichage d’informations sur le volume à prescrire, la vitesse d’infusion de glucose et les doses d’électrolytes, de même que l’affichage de valeurs de laboratoire sur l’écran de prescription.

Le groupe pré-intervention a été formé en incluant tous les patients de <1750 g à la naissance admis entre le 1er octobre 2013 et le 1er janvier 2014. L’implantation a eu lieu en avril 2014. Le groupe post comprenait tous les patients de <1750 g à la naissance admis entre le 1er juin 2014 et le 30 septembre 2014. Les patients étaient exclus si la nutrition parentérale n’était pas débutée dans les 72h de vie, s’ils avaient une maladie métabolique, ou si une voie périphérique était utilisée pour donner la nutrition parentérale durant plus de 48h.

193 patients ont été évalués (96 pré, 97 post), mais beaucoup d’exclusions ont eu lieu, en majorité en raison d’utilisation de voies périphériques. Les groupes finaux comprenaient donc 44 patients dans le groupe pré et 47 dans le groupe post. Les groupes étaient globalement similaires en caractéristiques de base; de même la progression de l’alimentation entérale n’était pas différente significativement. Plus de patients ont atteint les cibles de nutrition parentérale (10 à 12 mg/kg/min de dextrose, 4 g/kg/jour d’acides aminés et 3 g/kg/jour de lipides), soit 26% dans le groupe intervention et 5% dans le groupe contrôle, une différence significative. Cependant, cette atteinte a pris en moyenne 10 jours dans les 2 groupes, sans différence significative. Moins de patients dans le groupe post ont eu une valeur d’électrolytes hors des valeurs normales, mais les types d’anomalies n’étaient pas différents, et l’utilisation d’insuline était similaire.

Moins d’interventions des pharmaciens validant les prescriptions de nutrition parentérale ont été nécessaires dans le groupe post comparativement au groupe pré (5,6% vs 30,4%, p<0.05).

Les auteurs concluent que la prescription électronique de nutrition parentérale en néonatologie permet d’améliorer les taux d’atteinte des objectifs, et de diminuer la nécessité d’ajustements par les pharmaciens validant les ordonnances, le tout sans affecter négativement les anomalies électrolytiques et le recours à l’insuline. Je trouve l’étude intéressante car ce type de logiciel semble prometteur pour diminuer le besoin d’ajustements aux ordonnances de nutrition parentérale néonatale par les pharmaciens, une tâche qui prend énormément de temps et qui peut avantageusement être assistée par ordinateur directement au moment de la prescription.