Articles de la semaine

ANGLETERRE, PROTOCOLE POUR ÉVALUER L’IMPLANTATION DE LA PRESCRIPTION ÉLECTRONIQUE DANS UN HÔPITAL PÉDIATRIQUE

Il s’agit d’un protocole pour une étude dont la réalisation est à venir. Il est publié dans BMJ Open et disponible gratuitement par PubMed Central.

Cette étude au devis mixte servira à décrire l’impact de l’implantation d’un système de prescription électronique dans un hôpital pédiatrique de manière très poussée, à l’aide d’un devis principalement qualitatif, avec une petite partie quantitative. Une centaine d’heures d’observation ethnographique non participative combinée à des entrevues informelles auront lieu avant, pendant et après l’implantation du système afin d’observer le travail de médecins, infirmières, pharmaciens pour décrire l’évolution de l’organisation de la prescription, préparation et administration des médicaments.

Une deuxième partie qualitative plus traditionnelle utilisera des entretiens individuels et des focus groups dans une stratégie inductive pour décrire les attentes, craintes et perceptions par rapport à la prescription électronique.

Enfin, la troisième partie, quantitative celle-là, sera faite en devis pré-post avec un questionnaire en ligne dérivé des études qualitatives, et visera à caractériser l’évolution des perceptions des cliniciens avant et après l’implantation du système.

Cette étude me semble prometteuse. Je crois que son niveau de profondeur permettra des observations intéressantes et des conclusions utiles pour d’autres centres travaillant à l’implantation de la prescription électronique dans un contexte pédiatrique.

C’est le deuxième protocole provenant d’Angleterre dont j’ai hâte de voir les résultats. Le premier, dont je vous parlais en novembre dernier, évaluera également la prescription électronique mais avec une méthode de type « temps et mouvement », en contexte adulte. Celle-là ciblera spécifiquement les pharmaciens, contrairement à celle mentionnée ci-haut.

CANADA, AIDE À LA DÉCISION POUR LA PRESCRIPTION SELON LES CRITÈRES DE BEERS ET LA FONCTION RÉNALE EN GÉRIATRIE

Cette étude décrit le développement et l’implantation d’un système d’aide à la décision pour améliorer la prescription selon les critères de Beers et la fonction rénale en gériatrie dans un ensemble de cliniques de soins ambulatoires de la région d’Edmonton en Alberta. L’étude a été publiée dans Clinical Interventions in Aging et est disponible en ligne gratuitement par PubMed Central.

Un devis mixte qualitatif et quantitatif a été utilisé, comportant des questionnaires et des entretiens semi-structurés et des focus groups. Pour la partie quantitative, les données sur l’utilisation du système déployé ont été collectées. Les chercheurs ont d’abord d’évalué une première mouture du système dans un contexte de simulation, puis ont apporté des améliorations itératives suivi du déploiement. 8 participants ont contribué au processus qualitatif d’amélioration du système, dans le cadre de 4 focus groups et 16 entretiens semi-structurés. 25 semaines après le déploiement, 5442 visites de patients ont mené à 4067 alertes, le plus fréquemment pour des hypnotiques et des anticholinergiques. 25% des alertes n’ont pas mené à des changements de traitement, et 15% ont mené à une révision de la documentation par le clinicien.

Les alertes proposées par le système m’apparaissent bien conçues, beaucoup mieux que d’autres dont je vous ai parlé dans le passé. Notamment, on voit clairement la recommandation formulée pour les cliniciens ainsi que le niveau de sévérité de l’alerte. Une conduite clinique est proposée de même que des liens vers la documentation pertinente. Des liens rapide de documentation de la raison de contournement sont même proposés, ainsi que la possibilité de documenter une justification plus complexe.

Parmi les points à souligner tirés de la partie qualitative de l’étude, on note:

  • La pertinence du système pour les praticiens moins familiers avec la liste de Beers, ou encore pour certains médicaments moins courants, de même que pour les étudiants ou résidents.
  • Le bon design des alertes qui permettaient de consulter facilement la documentation pertinente.
  • Le questionnement des cliniciens par rapport aux implications légales du contournement des alertes du système, ou de modifications apportées en réponse à des alertes, à un traitement prescrit par un autre médecin.

EUROPE, ADOPTION DE LA PRESCRIPTION ÉLECTRONIQUE EN COMMUNAUTÉ EN FONCTION DE L’ORGANISATION DES SYSTÈMES DE SANTÉ

Cette étude, d’auteurs irlandais et publiée dans le Journal of Innovation in Health Informatics, est une revue de littérature de 2000 à 2014 combinée à des rapports d’organismes réglementaires, visant à établir un portrait de la prescription électronique en pratique de première ligne en Europe.

On constate qu’environ 32% des médecins de première ligne européens utilisaient la prescription électronique en 2013. Cependant, beaucoup plus utilisaient un système électronique dans le cadre de leur pratique; le principal facteur limitant à la prescription électronique semblait être la transmission électronique des ordonnances vers les pharmacies. La réglementation et la difficulté de mise en place d’un système de transmission électronique national semblaient être en cause.

On constate également que les pays qui ont une organisation du système de santé de type « NHS » (National Health Service – un système très hiérarchisé caractérisé par une autorité centrale) avaient une plus grande adoption de la prescription électronique; on pourrait spéculer sur l’association entre ce modèle centralisé et la facilité d’implantation d’un système national de transmission de prescriptions électroniques.

Articles de la semaine

ÉTATS-UNIS, L’IMPACT D’UN PHARMACIEN POUR RÉDUIRE LES ERREURS DE PRESCRIPTION AU CONGÉ, EN CONTEXTE DE DOSSIER CLINIQUE INFORMATISÉ.

Il s’agit d’une étude contrôlée mais non randomisée comparant l’incidence de divergences médicamenteuses au congé entre des équipes médicales où était intégré un pharmacien clinicien par rapport à des équipes où les médecins avaient accès à un pharmacien mais où celui-ci n’était pas intégré à l’équipe de soins. L’étude a eu lieu sur une période de 3 mois de août à octobre 2012. Les divergences identifiées durant l’étude étaient révisées par un pharmacien et 2 médecins et catégorisées par consensus.

L’hôpital où a eu lieu l’étude fait partie du « Veterans Affairs » (VA) américain. Il s’agit d’un hôpital où de multiples technologies reliées à l’usage des médicaments sont déjà en place, notamment un système de prescription électronique avec aide à la décision (détection des interactions, duplications, allergies), comprenant aussi des fonctionnalités de sécurité comme la séparation des médicaments « look-alike, sound-alike », la restriction des médicaments hors-formulaire et la nécessité de justification pour certains médicaments. Un système d’administration des médicaments assisté par code-barre est utilisé. Les cliniciens ont accès électroniquement aux médicaments pris à domicile par les patients via le système du VA. Enfin, les prescripteurs ont accès aux notes de validation des ordonnances par les pharmaciens à travers le dossier électronique (une interface bidirectionnelle avec le système pharmacie ?)

Les pharmaciens cliniciens dans le groupe intervention effectuaient l’histoire médicamenteuse et la réconciliation des médicaments à l’admission, prenaient part aux tournées médicales avec l’équipe, assuraient la gestion de la thérapie médicamenteuse durant l’hospitalisation, effectuaient la réconciliation des médicaments au congé, et conseillaient les patients à propos de leur pharmacothérapie. Lorsque des congés avaient lieu en dehors des heures de présence du pharmacien, les ordonnances de départ étaient révisés par le pharmacien dans les 72 heures suivant le congé pour effectuer les corrections appropriées.

145 patients ont reçu leur congé pendant la période d’étude pour le groupe intervention, contre 134 dans le groupe contrôle. Les groupes étaient similaires en terme d’âge, sexe et durée d’hospitalisation. Les patients dans le groupe intervention prenaient un peu plus de médicaments à l’admission (9.7 vs 8.5).

104 divergences de médicaments ont été identifiées dans le groupe intervention, dont 89 ont été corrigées par le pharmacien dans les 72 heures; résultant en 15 erreurs non corrigées. Dans le groupe contrôle, 200 erreurs ont été identifiées (p=0,001). Après l’intervention du pharmacien, 136 des 145 congés dans le groupe intervention ne comprenaient aucune divergence, contre 54 des 134 dans le groupe contrôle (p<0.0001).

D’autres erreurs notées dans le groupe contrôle étaient l’absence d’ordonnances de congé, des instructions erronées ou des ordonnances non nécessaires. Dans le groupe intervention, l’erreur la plus fréquente était l’absence d’avis de changement de médication sur le document remis au patient.

Je trouve cette étude pertinente car elle montre que malgré toute la technologie de prescription et de suivi de la pharmacothérapie disponible, le pharmacien clinicien a tout de même un rôle à jouer pour améliorer la pharmacothérapie de patients, en particulier lors de transitions de soins Les auteurs soulignent que les rotations de résidents en médecine de 4 semaines dans le centre où a eu lieu l’étude leur laissaient peu de temps pour apprendre le fonctionnement du système électronique. Ils supposent que cela a pu jouer un rôle dans les résultats observés. Ils soulignent également que les congés donnés trop rapidement ou de manière expéditive, menaient souvent à des divergences ou des erreurs dans les instructions fournies au patient, un point que j’ai souvent constaté en pratique.

PAYS-BAS, ALERTES AUTOMATISÉES POUR LE SUIVI DE LA PHARMACOTHÉRAPIE

Cette étude a évalué les alertes en lien avec les ordonnances de médicaments et les résultats de laboratoires, mises en place dans un système de surveillance automatisé dans un hôpital et un centre de soins de longue durée de 450 et 800 lits respectivement. Ces alertes étaient générées automatiquement et révisées par les pharmaciens quotidiennement dans le cadre de leurs activités, de manière à pouvoir évaluer les alertes et intervenir par rapport à celles jugées pertinentes.

Les alertes générées durant une période de 4 mois, de septembre à décembre 2011, ont été incluses. Les alertes ont été classées comme cliniquement significatives lorsqu’elles menaient à une intervention du pharmacien. Le pourcentage d’alertes cliniquement significatives pour chaque règle en place a été calculé, puis subdivisé selon que l’alerte était nouvelle ou une répétition de la même alerte pour le même patient. Les alertes en place étaient surtout en lien avec l’ajustement selon la fonction rénale, le suivi des électrolytes, et d’autres règles particulières (INR et anticoagulants, albumine et phénytoïne, etc.)

4065 alertes ont été incluses dans l’analyse. 28% étaient des nouvelles alertes et 69% étaient des répétitions. 10,9% des nouvelles alertes et 0,9% des alertes répétées ont été jugées cliniquement significatives; le pourcentage global d’alertes cliniquement significatives était de 3,6%. Dans la majorité des alertes pour insuffisance rénale et le suivi de l’INR, l’alerte n’était pas pertinente car le médicament avait déjà été ajusté.  Pour les alertes concernant le suivi des électrolytes, le médicament en cause avait été arrêté dans la majorité des cas, ou alors le niveau de l’électrolyte a été jugé adéquat ou simplement « à suivre » dans la majorité des autres cas.

Contrairement à d’autres systèmes de surveillance électronique dont j’ai parlé dans le passé, celui-ci me semble très bon exemple où le paramétrage devient un problème et contribue à la désensibilisation aux alertes. Selon moi, ce genre de système ne devrait en aucun cas chercher à effectuer une surveillance complète ni à se substituer au suivi par un pharmacien; il devrait plutôt assister le pharmacien en pratique clinique. Ainsi, les alertes devraient être paramétrées pour cibler des points majeurs et facilement détectables avec une bonne fiabilité; pour les situations plus subtiles, sujettes à interprétation ou difficilement paramétrables au niveau informatique, le jugement du pharmacien n’a pas encore de substitut informatique ! En ce sens, un nombre élevé d’alertes non cliniquement significatives signale que le système ne remplit pas bien sa tâche. D’ailleurs, la conclusion de cet article mentionne qu’un nouveau système d’aide à la décision est en développement pour remplacer celui présenté dans l’étude, et que les observations sur les alertes non significatives serviront à paramétrer le nouveau système.

SUÈDE, AIDE À LA DÉCISION POUR LA PRESCRIPTION AJUSTÉE SELON LA FONCTION RÉNALE

Il s’agit d’une petite étude de type sondage ayant évalué les perceptions de 86 médecins (35 ont répondu) qui ont participé à la phase pilote du déploiement d’un système d’aide à la décision ciblant l’ajustement des médicaments selon la fonction rénale, dans une clinique de gériatrie, deux cliniques externes et une unité d’hospitalisation en Suède. Le système testé durant cette étude pilote semblait être destiné à un déploiement national. L’étude rapporte aussi les niveaux d’utilisation évalués dans une deuxième étude pilote ayant ajouté 5 cliniques externes à la population initiale.

L’intérêt de cet article réside surtout dans la description du système mis en place: il semble très bien conçu. Il faisait partie d’un système d’aide à la décision intégré à six logiciels de dossier clinique informatisé utilisés en Suède. Le système évalue la fonction rénale selon la formule CKD-EPI (il s’agit d’une décision de ceux qui ont paramétré le logiciel et non d’une limitation), puis affiche des recommandations au moment de l’arrivée dans le module de prescription, lors de la consultation du profil pharmacologique d’un patient et lors de la prescription d’un nouveau médicament.  Des recommandations spécifiques pour chaque médicament sont présentées et cotées par grade, de même que de l’information tirée des monographies de produit et de la littérature publiée, incluant même des liens vers les articles originaux via PubMed !

Le bon design du système se reflète dans l’opinion généralement positive des médecins ayant répondu au sondage, qui l’ont coté à 4.4 sur 6. Ils ont aussi commenté que le système leur permettait de mieux comprendre les ajustements au dosage des médicament selon la fonction rénale et qu’il les aidait dans leur travail.

Articles de la semaine

États-Unis, alertes sur les allergies

Il s’agit d’une étude rétrospective observationnelle dans laquelle les auteurs ont évalué les contournements des alertes électroniques reliées aux allergies aux médicaments. L’étude a été menée à partir des banques de données de deux centres académiques de Boston et a inclus 611 192 mentions d’allergie dans un dossier clinique informatisé entre 2004 et 2013.

Le taux de contournement des alertes reliées aux allergies a augmenté de 83% à 88% durant la période d’étude. Les allergies cotées comme étant assez sévère pour mettre la vie en péril ont étrangement été contournées dans 72 à 74% des cas. Les allergies les plus fréquentes étaient aux opiacés (48%) et aux antibiotiques (10%).

Plus de la moitié des alertes ont été contournées parce qu’elles n’étaient pas pertinentes, par exemple le patient avait toléré le médicament prescrit précédemment, malgré l’allergie inscrite au dossier.

Je trouve que cet article illustre bien que les systèmes de documentation électronique des allergies qui existent actuellement ne permettent pas une documentation suffisamment précise. On constate également que la qualité de l’information sur les allergies dans les dossiers informatisés est passable.

États-Unis, technologies de l’information en santé et issues cliniques

Une revue systématique a examiné les études descriptives et comparatives publiées entre 2001 et 2012 qui ont évalué les effets des TI en santé sur les issues de sécurité des patients. Les banques de données MEDLINE, CINAHL, EMBASE et Cochrane ont été fouillées.

69 études ont rencontré les critères d’inclusion. 36% ont rapporté des issues positives, 62% n’ont pas trouvé d’effet significatif, et 1 étude a rapporté un impact défavorable. Les études ayant des conclusions positives ont généralement examiné l’impact des systèmes d’aide à la décision ou d’un prescripteur électronique dans un seul centre.

États-Unis, alertes sur la fonction rénale pour ajuster les médicaments

Une étude randomisée contrôlée a évalué l’impact d’une alerte basée sur la fonction rénale dans un prescripteur électronique en milieu ambulatoire et aigu pour 20 médicaments nécessitant un ajustement en insuffisance rénale. L’alerte pouvait être au moment de la prescription ou plus tard si la fonction rénale du patient se détériorait dans le temps. Le groupe avec intervention recevait l’alerte, et le groupe contrôle travaillait selon la méthode habituelle, cependant l’alerte était notée pour les fins de l’étude même si non vue par le prescripteur.

4068 alertes ont été générées pour 1278 patients. De celles-ci, 1579 ont été affichées aux prescripteurs du groupe à l’étude et les autres n’ont pas été affichées pour le groupe contrôle. Les prescriptions étaient correctement ajustées dans 17% des cas dans le groupe à l’étude et 5,7% des cas dans le groupe contrôle, une différence statistiquement significative.

L’étude démontre qu’une alerte électronique sur la fonction rénale peut améliorer l’ajustement des médicaments en insuffisance rénale, mais que la proportion de médicaments ajustés correctement demeure faible.