Notre présentation au workshop Machine Learning for Health de NeurIPS 2020

Le projet de recherche des résidentes en pharmacie au CHU Sainte-Justine en 2020 était l’évaluation en pratique du modèle de machine learning visant l’identification d’ordonnances et de profils pharmacologiques inhabituels que nous avons développé. J’ai déjà parlé de ce modèle ici, l’élaboration et l’évaluation de ce modèle ont été présentés à la conférence Machine Learning for Healthcare 2020 et au Symposium IA Montréal 2020.

Essentiellement, pour l’identification d’ordonnances atypiques, ce modèle a montré une concordance assez mauvaise avec l’opinion de pharmaciens. Cependant, pour l’identification de profils pharmacologiques atypiques, la performance était bien meilleure. Les pharmaciens qui ont participé au projet avaient une opinion positive du modèle. Je crois que les résultats de ce projet démontrent le potentiel d’outils basés sur l’intelligence artificielle pour aider le pharmacien dans sa pratique clinique.

Un abstract étendu du projet a été accepté au workshop Machine Learning for Health (ML4H) de NeurIPS 2020 qui aura lieu le vendredi 11 décembre. Le texte complet de l’abstract est disponible sur arXiv. Un manuscrit complet décrivant le projet est en cours de révision pour publication.

Notre présentation à Machine Learning for Healthcare 2020

Le congrès Machine Learning for Healthcare 2020 a lieu en ligne les 7 et 8 août 2020. Les présentations ont été mises en ligne sur YouTube. Notre groupe y présente un abstract clinique intitulé Unsupervised identification of atypical medication orders: A GANomaly-based approach. Il s’agit d’un modèle d’apprentissage automatique étant capable d’identifier de manière non supervisée les profils pharmacologiques atypiques, c’est-à-dire déviant des patrons de prescriptions habituellement observés dans un certain contexte. L’application pratique d’un tel modèle serait en support au pharmacien clinicien, afin que celui-ci puisse identifier visuellement de manière rapide les profils pharmacologiques susceptibles de contenir des éléments atypiques, et ainsi optimiser son temps et mieux planifier ses interventions.

Étude temps-mouvement sur l’effet de la prescription et de l’administration électronique sur les activités des pharmaciens

En novembre 2015, je vous parlais d’un protocole d’étude sur l’effet de l’implantation d’un système électronique de prescription et d’administration des médicaments, sur les activités des pharmaciens, qui me semblait intéressant. Les résultats ont été publiés en mars et sont disponibles en texte complet sur PubMed Central.

L’étude avait un devis pré-post et comportait un volet quantitatif ainsi qu’un volet qualitatif. 8 pharmaciens travaillant sur deux unités de soins, l’une de soins aigus et l’autre de soins aux personnes âgées, ont été inclus. La méthodologie du volet quantitatif consistait en l’observation directe des pharmaciens pendant des périodes de temps définies avec une mesure échantillonnée de la répartition du temps passés à leurs diverses activités cliniques. La collecte pré a eu lieu en janvier 2016 et la collecte post en juin 2016, alors que le déploiement du système était en mars 2016. Pour la partie qualitative, des entrevues semi-structurées ont été menées en mai 2016, et avaient comme sujet les activités cliniques des pharmaciens, les interactions avec les patients et les professionnels, la localisation où leur travail avait lieu, et les erreurs médicamenteuses.

7 des 8 pharmaciens ont pu être observés. Les activités prenant le plus de temps étaient la communication professionnelle, la vérification des médicaments des patients et la vérification des ordonnances de départ, et la proportion de temps passée à ces activités n’a pas changé avec la mise en place du système électronique. Les deux activités ayant vu leur durée significativement modifiée après la mise en place du système était le temps passé à chercher des dossiers, qui a diminué de 2 minutes par 10 patients, et le temps passé à vérifier les médicaments des patients, qui a augmenté de 16 minutes par 10 patients. La proportion de temps passé en interaction directe avec les patients a significativement baissé de 5,1% à 1,6% (p=0,03).

À l’analyse qualitative, les thèmes abordés étaient les suivants:

  • Les pharmaciens étaient souvent appelés à entrer des ordonnances dans le système à la place des médecins, et aussi à répondre aux questions d’autres professionnels sur le fonctionnement du système.
  • Les ordinateurs étaient en nombre insuffisant pour que les pharmaciens puissent avoir un accès facile au dossier.
  • Les pharmaciens percevaient l’impact sur le temps passé en interaction avec les patients et l’augmentation du temps nécessaire à la vérification des médicaments pris par les patients, confirmant les observations quantitatives.

Parmi les impacts perçus au niveau de la sécurité des soins, on note:

  • Des choix inadéquats encouragés par le système, par exemple choisir le premier médicament dans une liste déroulante alors que ce n’est pas le bon.
  • Des choix par défaut inadéquats, comme un antibiotique 2 fois par jour débutant à 22 h car il a été prescrit après 10h.
  • Plusieurs points sur des éléments plus ou moins visibles qu’avec les dossiers papiers.

Les deux premiers points sont des enjeux de fonctionnalité ou de configuration du système, ce sont des problèmes déjà bien décrits. Je ne sais pas quoi penser des points sur la visibilité de l’information, car ils sont largement dépendants de l’apparence des dossiers papiers et des choix de design du système électronique; j’ai l’impression que ça pourrait aller dans tous les sens dans d’autres hôpitaux.

Bref, c’est une étude très intéressante qui décrit très bien à quoi les pharmaciens peuvent s’attendre lorsqu’on implante un système électronique de prescription et d’administration des médicaments.