Articles de la semaine

ÉTATS-UNIS, ALERTES BASÉES SUR L’ÂGE POUR AMÉLIORER L’UTILISATION DES VACCINS

21918650_sCette étude de type pré-post a été menée dans un hôpital pédiatrique tertiaire de 450 lits affilié à plusieurs cliniques externes aux États-Unis. L’objectif était de diminuer le nombre d’erreurs médicamenteuses liées aux vaccins, à l’aide d’alertes intégrées au dossier clinique informatisé, combiné à une formation obligatoire pour les prescripteurs. La période pré allait du 1er janvier au 31 décembre 2013, tandis que la période post allait du 1er janvier au 31 juillet 2014. Malheureusement, l’article est un peu mal écrit et plusieurs résultats se retrouvent dans l’introduction ou dans la méthodologie.

Durant la période pré, 65 erreurs liées aux vaccins ont eu lieu, la majorité étant de sévérité faible. 60% des erreurs ont eu lieu en contexte de soins primaires et 57% ont eu lieu durant la phase de prescription. Les auteurs indiquent que plusieurs erreurs étaient liées à la prescription d’un vaccin incorrect en fonction de l’âge du patient, une erreur malheureusement fréquente en raison des multiples produits immunisants disponibles avec des différences subtiles entre eux et des noms parfois très similaires. Durant la période post, une diminution de 25% des erreurs liées aux vaccins a été constatée, dont une seule erreur de prescription liée à l’âge.

ANGLETERRE, REVUE SYSTÉMATIQUE SUR L’OPTIMISATION DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE ASSISTÉE ÉLECTRONIQUEMENT

Cet article de revue avait pour objectif de résumer la littérature existante concernant l’optimisation de l’antibiothérapie à l’aide de fonctionnalités intégrées dans les systèmes de prescription électronique, notamment l’aide à la décision. La revue ciblait spécifiquement les soins hospitaliers, à cet égard les articles portant sur les soins primaires ont été exclus, de même que les études effectuées dans des pays en développement, ainsi que les études non expérimentales.

3471 articles ont été examinés, et 143 articles ont été sélectionnés pour inclusion, soit 121 études observationnelles, 9 revues systématiques, 5 sondages et seulement 2 essais randomisés. La majorité des études incluses provenaient d’Amérique du Nord (87) et ciblaient une population infectée ou à risque d’infections (soins intensifs, urgence, pédiatrie) et en soins tertiaires. La plupart des interventions testées prenaient la forme d’alertes et de rappels affichés à l’aide d’un système d’aide à la décision. De même, la plupart étaient des systèmes développés localement et hautement personnalisés, et certains systèmes intégraient les données de plusieurs systèmes source comme la pharmacie.

On constate que les études ont surtout évalué des mesures de performance, définies comme les choix d’agents, le temps pour l’administration de la première dose, l’adhérence aux protocoles, et d’autres mesures similaires. Les mesures d’issues cliniques étaient moins courantes, de même que les mesures de coûts. L’effet rapporté était généralement positif, mais certaines études négatives existent. Les auteurs discutent de l’importance du contexte et de la facilité d’utilisation. Les auteurs soulignent toutefois la grande hétérogénéité des interventions étudiées et des méthodes utilisées.

PHARMACOVIGILANCE À PARTIR DE DOSSIERS ÉLECTRONIQUES

Cette étude épidémiologique avait pour objectif de déterminer si l’utilisation de données provenant de dossiers médicaux électroniques plutôt que de simples données administratives, telles qu’habituellement utilisées dans ce type d’étude, pouvait permettre une meilleure surveillance de l’utilisation et des effets des médicaments à un niveau international.

Trois cohortes provenant de trois pays, composées de patients nouvellement diagnostiqués avec le diabète de type 2 et avec une nouvelle prescription d’hypoglycémiant oral entre 2009 et 2012, ont été suivies pour une durée maximale de 30 mois. Les issues suivies étaient les événements cardiovasculaires, une complication bien connue du diabète et de l’utilisation de certains hypoglycémiants. Au Québec, les données du système MOXXI ont été utilisées (environ 90 000 patients, incluant les données médicales et les services de médicaments). Des données provenant d’une organisation de santé américaine (Partners HealthCare, Boston) ainsi que d’un système de soins primaires en de Manchester en Angleterre ont aussi été utilisées. Les données québécoises, qui incluaient les données des pharmacies par rapport à la dispensation de médicaments plutôt que simplement les prescriptions, ont été utilisées pour caractériser l’observance à la thérapie.

Tel qu’attendu, le risque d’événements cardiovasculaires avec les sulfonylurées était plus élevé lorsque la dispensation du médicament était utilisée comme critère plutôt que la simple prescription. De même, des différences de risque ont été observées entre les pays, que les auteurs attribuent à des pratiques de prescription différentes, par exemple la molécule la moins à risque étant favorisée en Angleterre alors que celle-ci n’est pas sur le marché aux États-Unis. Enfin, un effet de l’incorporation des données cliniques dans le modèle a été observé.

Cette étude démontre donc qu’il est possible d’effectuer de la surveillance épidémiologique et de la pharmacovigilance à grande échelle à partir de dossiers médicaux électroniques, et que les données provenant de pharmacies peuvent être incorporées à ce type de surveillance de manière intéressante.

Articles de la semaine: Machine learning et pharmacovigilance

Un seul article cet semaine, car il fait mal au cerveau.

Cependant, il y a une lecture préalable si vous n’êtes pas familiers avec le machine learning et la terminologie associée (merci à @hamstav pour l’article).

Lecture préalable

L’article vient de la revue Circulation et présente les bases du machine learning (apprentissage-machine ou apprentissage artificiel en français selon le Grand dictionnaire terminologique) tel qu’appliqué aux sciences de la santé. En (très) résumé, il s’agit d’une technique utilisant la puissance de calcul d’ordinateurs pour établir des modèles statistiques très élaborés afin de relier plusieurs variables (appelés facteurs) à une issue selon des relations complexes.

L’intérêt pour cette technique vient, depuis quelques années, de l’augmentation impressionnante de la puissance de calcul des ordinateurs. En effet, il est maintenant possible d’élaborer des modèles prenant en compte un grand nombre de facteurs, et même de découvrir de nouveaux facteurs, avec des relations plus complexes que celles des techniques statistiques classiques (la régression logistique ou la régression de Cox, par exemple).

Grâce à différents algorithmes, un ensemble de données « test » est examiné par l’ordinateur qui tente de dégager des relations entre les facteurs et les issues. Le résultat est un ensemble de modèles qui peuvent être utilisés séparément ou combinés pour prédire l’issue d’intérêt. Par la suite, le modèle peut être appliqué à des données qui n’ont pas été examinées dans la phase d’apprentissage pour vérifier si les prédictions s’avèrent fiables, voire même pour effectuer des analyses en pratique clinique. Un modèle avec une bonne performance peut, tel que mentionné dans l’article, être utilisé pour analyser des images provenant de biopsies, déterminer le risque de développer une maladie,  ou prédire la réponse à un médicament, par exemple.

En dehors des sciences de la santé, le machine learning est utilisé par exemple pour la reconnaissance d’images ou de voix. Il existe même des compétitions de machine learning.

L’article de la semaine: Suède, Machine learning et pharmacovigilance

Il s’agit d’une étude rétrospective présentée à la conférence IEEE International Conference on Bioinformatics and Biomedicine 2014. L’étude avait pour objectif d’établir si les données provenant de dossiers cliniques informatisés pouvaient aider à prédire les effets indésirables aux médicaments à l’aide de techniques de machine learning.

Les auteurs ont utilisé une banque de données provenant du dossier clinique informatisé du Karolinska University Hospital à Stockholm, contenant des informations sur environ 700 000 personnes de 2009 à 2010. L’ensemble de données comprenait des diagnostics, des administrations de médicaments, des mesures cliniques, des résultats de laboratoires, et des notes cliniques en texte libre. Les diagnostics étaient encodés selon l’ICD-10, et les médicaments selon l’ATC.

Pour la construction des ensembles de données de test, les 27 codes ICD reliés aux effets indésirables aux médicaments les plus fréquents dans la banque de données ont été sélectionnés, et 27 ensembles de données ont été construits où des patients ont été classés selon la présence ou l’absence de l’effet indésirable associé à chaque code. Les patients classés comme n’ayant pas présenté d’effet indésirable devaient avoir un code ICD pour un diagnostic similaire, mais non relié à un effet indésirable (par exemple mal de tête causé par un médicament vs. mal de tête causé par autre chose).

L’algorithme d’apprentissage utilisé principalement dans l’étude était le random forestmais d’autres algorithmes ont aussi été testés. Les mesures de performance de l’algorithme étaient l’exactitude (accuracy) et l’aire sous la courbe ROC. Les paramètres analysés comme facteurs étaient les codes cliniques (médicaments et diagnostics) et les mesures cliniques (température, pression artérielle, etc). Ces deux types de données ont été analysées seules, puis en combinaison.

Les résultats sont (très) complexes, mais on en comprend globalement que les codes cliniques sont de meilleurs outils que les mesures cliniques pour prédire les effets indésirables. Cependant, on peut légèrement améliorer la performance en combinant les mesures et les codes, en particulier pour certains types d’effets indésirables où cela peut être pertinent, comme par exemple l’anémie induite par un médicament.

Mon interprétation

Il s’agit d’une étude complexe et dont la répercussion clinique n’est vraiment pas évidente, mais je la trouve intéressante pour trois raisons:

  • D’abord, elle illustre comment le machine learning, qui est déjà en voie de s’intégrer à des spécialités comme par exemple la pathologie ou l’oncologie, peut avoir une rôle en pharmacie.
  • Ensuite, elle laisse penser que cette technique pourrait être dans l’avenir un outil précieux pour supporter le pharmacien dans son travail de pharmacovigilance. Par exemple, on peut imaginer des logiciels d’aide à la décision qui apprendraient les facteurs de risque de développer un effet indésirable à partir de dossiers cliniques informatisés de grands centres hospitaliers, ou même de dossiers nationaux.
  • Finalement, elle illustre comment le codage des données cliniques, dont j’ai déjà parlé précédemment, peut devenir un outil très puissant s’il est appliqué de manière systématique à un grand ensemble de données.

 

Rapport canadien sur la pharmacie hospitalière, volet québécois: l’aspect techno et pédiatrique

Le rapport canadien sur la pharmacie hospitalière est un rapport publié aux 2 ans qui donne l’état des lieux sur la pharmacie en établissement de santé au Canada.  Au Québec, une équipe rédige un supplément présentant les données et les enjeux québécois.  Le rapport 2013-2014 a été publié en septembre 2015 et a fait l’objet d’un supplément du Pharmactuel et d’une publication sur le blogue de l’URPP (déclaration de conflit d’intérêt: je travaille avec des membres de cette équipe et je connais bien certaines personnes impliquées).

Pour 2013-2014, 170 départements de pharmacie au Canada ont répondu au sondage, dont 45 au Québec (comprenant 12 établissements universitaires et 2 pédiatriques).

Je vous présente ici quelques données extraites du rapport à propos des sujets qui m’intéressent: la technologie et la pédiatrie.  Je me suis parfois permis de glisser ma propre interprétation (en italique). Il s’agit d’un résumé épuré et remanié, si le sujet vous intéresse prenez une heure pour lire le rapport à fond.

Les données québécoises sur les technologies pharmacie d’établissement:

  • 59% des répondants possèdent un système de distribution automatisé décentralisé (i.e. cabinets) pour la distribution des doses unitaires.
  • 33% des répondants n’utilisent aucune automatisation pour les préparations parentérales; 31% utilisent une mise en seringue automatisée; 50% utilisent des pompes automatisés pour la préparation de mélanges ou le remplissage, et aucun centre n’utilise de robot de préparation (1 centre au Canada a répondu en utiliser un).
  • Pour 100% des répondants, la saisie informatique des ordonnances peut être effectuée par les assistant-techniques; pour 35% par les pharmaciens; pour 16% par des pharmaciens prescripteurs et pour 5% par les prescripteurs directement. Évidemment, le déploiement des prescripteurs électroniques dans le futur va affecter ces données. Par exemple, le traitement d’une ordonnance électronique pourrait nécessiter la saisie initiale par le prescripteur, un traitement par un assistant technique afin de « traduire » l’ordonnance médicale en une entrée informatique dans le système de la pharmacie, puis la validation par le pharmacien.  Avec l’évolution de la pratique clinique, il sera tentant d’utiliser les systèmes de prescription électronique pour transporter la validation pharmaceutique des ordonnances de la pharmacie centrale vers les pharmaciens en pratique clinique.  Ceci pourrait d’un côté permettre une meilleure priorisation, et une réduction des délais, d’un autre côté cela pourrait compromettre la disponibilité des pharmaciens décentralisés pour les soins au patient, ce qui serait contre-productif.
  • 81% des répondants permettent aux assistant-techniques d’effectuer le remplissage des plateaux de médicaments pour arrêts cardiaques; 80% permettent à un deuxième assistant-technique de vérifier le travail du premier. L’arrivée de la technologie RFID pour cette tâche pourrait affecter ces données dans le futur.

Les données québécoises sur les objectifs de l’initiative SCPH 2015 qui ont rapport avec la technologie:

  • 40% des répondants utilisent le code-barre pour valider les médicaments avant leur distribution aux patients hospitalisés.
  • Aucun répondant n’utilise le code-barre pour valider les médicaments et l’identité du patient au point d’administration.
  • 7% des répondants utilisent un système de saisie des ordonnances par les prescripteurs avec aide à la décision.
  • 95% des répondants utilisent un système de saisie des ordonnances en pharmacie avec aide à la décision.
  • Pour 88% des répondants, les pharmaciens consultent les informations contenues sur les médicaments dans les dossiers de santé électroniques des patients pour assurer la prise en charge (traduction québécoise: regarder les médicaments dans le Dossier Santé Québec à l’admission).

Les tendances en technologies:

Les lois et les normes récentes:

  • Loi de Vanessa: il s’agit d’une loi fédérale adoptée en octobre 2014.  Elle permet au gouvernement entre autres d’exiger la déclaration des effets indésirables des médicaments par les établissements de santé.  Elle permet aussi d’obliger les compagnies pharmaceutiques à mettre à jour les monographies de produit au sujet des événements indésirables chez les populations vulnérables comme les enfants, et d’obliger les compagnies pharmaceutiques à effectuer des études supplémentaires lorsque des problèmes d’innocuité sont constatés chez des populations à risque comme les enfants.
  • Le Comité Sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié trois rapports, en 2012, 2013 et 2014.  Le rapport de 2013 recommandait un suivi systématique post-approbation chez les enfants, ainsi que l’intégration de la pharmacovigilance aux systèmes informatisés de saisie des ordonnances.  Le rapport de 2014 sur l’emploi hors indication recommandait l’ajout de l’indication dans les systèmes de prescription électronique (un sujet qui pourrait faire polémique dans le milieu médical au Québec), ainsi qu’un suivi de l’utilisation hors indication en pédiatrie et pour les médicaments orphelins.
  • Le Conseil des Académies Canadiennes a publié en 2014 un rapport sur les médicaments chez les enfants.  Ce rapport souligne que beaucoup de médicaments sont utilisés hors indication (« off label ») en pédiatrie par absence d’études lors de la commercialisation des produits.  Il souligne aussi que la recherche sur les médicaments en pédiatrie est nécessaire, de même que le développement de formulations pédiatriques des médicaments.
  • Au Québec, le projet de loi 10 modifiant l’organisation du réseau de la santé risque de ralentir grandement (de paralyser, selon le rapport) les phases IV et V du projet de systèmes automatisés et robotisés de médicaments (SARDM).  Le projet SARDM vise l’implantation dans les établissements de santé de technologies d’automatisation et de robotisation de diverses étapes du circuit du médicament.  On parle ici de l’acquisition et de la mise en service de cabinets automatisés, de chariots à médicaments, d’ensacheuses, de pompes « intelligentes », de pompes de remplissage, de caméras numériques, de logiciels etc.  Les gains d’efficacité reliés à ces technologies risque donc d’être ralentis.
  • L’Ordre des Pharmaciens du Québec a publié trois nouvelles normes sur les magistrales non stériles, les préparations stériles de médicaments non dangereux et sur les médicaments dangereux.  La norme sur les magistrales non stériles a un impact direct en pédiatrie puisqu’un grand nombre de médicaments utilisés dans cette population sont préparés sous forme magistrale lorsqu’un produit commercial adapté n’est pas disponible. Cette norme permet d’assurer la qualité des médicaments de ce type préparés en pharmacie, que ce soit en officine ou en établissement de santé.  Les normes sur les préparations stériles, publiées dans un contexte d’événements malheureux de contamination aux États-Unis et d’erreur de préparation en Ontario, combinées à un programme d’inspection, entraînent la mise à niveau des installations et des méthodes de travail des départements de pharmacie québécois.

En résumé, on constate une volonté d’encourager la recherche et la pharmacovigilance sur les médicaments en pédiatrie, de même qu’un encadrement plus serré des préparations magistrales non stériles fréquemment utilisées dans cette population.  Au niveau des technologies, les prescripteurs électroniques sont encore peu utilisés de même que la validation des médicaments par code-barre au point d’administration.  Ce sera intéressant de surveiller l’évolution de ces données dans le prochain rapport.