Structure de données pour les prescriptions électroniques de préparations magistrales

Un article paru en décembre 2019 décrit le plan de travail d’un comité d’experts formé aux États-Unis sous la gouverne de l’USP pour recommander une structure de données pour sécuriser la prescription électroniques de préparations magistrales non stériles destinées aux enfants. L’article est disponible gratuitement en texte complet sur PubMed Central. À noter qu’il s’agit d’un plan de travail et non des résultats de leur travail. Cependant, je pense que le principe est intéressant et pourrait servir d’inspiration pour les travaux d’informatisation au Québec.

Les problèmes causés par les transmissions électroniques d’ordonnances de préparations magistrales sont bien décrits au début de l’article, tout cela part du fait que ces préparations sont en général mal standardisées et ne sont pas décrites ou mal décrites dans les bases de données sur lesquelles s’appuient les systèmes de prescription et de pharmacie. Le résultat est que les ordonnances de ces médicaments peuvent être mal transmis et mal interprétés, et ceux-ci échappent fréquemment aux systèmes d’aide à la décision. Tout ceci risque d’entraîner des erreurs et des événements indésirables pour les patients.

Le groupe d’experts ainsi formé avait pour objectif d’émettre des règles qui permettraient d’encadrer la prescription, l’encodage et l’échange de données décrivant des préparations magistrales entre les systèmes de prescription, de pharmacie, et les autres systèmes où ces données peuvent de retrouver. À noter que les auteurs se concentraient plus spécifiquement sur les préparations non stériles, mais avec une intention que ces règles puissent être généralisables aussi aux préparations stériles.

Les auteurs ont déjà compilé une liste de préparations magistrales reconnues à partir de sources crédibles, comme l’initiative de standardisation des préparations magistrales au Michigan, l’ASP, l’USP, la FDA, le Veterans Affairs, les publications de l’International Journal of Pharmaceutical Compounding, etc. 658 préparations ont ainsi été recensées. Comme étape suivante, il est prévu de mener un sondage auprès de divers professionnels impliqués dans toute la chaine de prescription, préparation, programmation et facturation de ces préparations a été mené pour lister les informations requises à toutes les étapes. Ceci inclut divers contextes d’utilisation comme les hôpitaux pédiatriques, les pharmacies communautaires, les centres de soins de longue durée et les pharmacies préparatrices.

Ensuite, les éléments d’information requis seront structurés sous la forme d’une espèce de monographie électronique décrivant la préparation magistrale avec une optique d’interopérabilité avec les standards de vocabulaire sur les médicaments comme RxNorm et selon les standards de nomenclature des préparations magistrales décrits dans l’USP. L’idée est que les préparations magistrales reconnues et validées auraient une monographie officielle, accessible et facilitant sa prescription, sa préparation, sa dispensation et sa facturation. Les auteurs proposent que l’accès à ces informations soient restreintes à des professionnels formés spécifiquement sur les préparations magistrales, ce avec quoi je ne suis pas d’accord puisque l’idée est que cette information soit disponible pour faciliter l’adoption de ces préparations. Les monographies ainsi construites pourraient bénéficier d’un statut particulier dans une pharmacopée, dans les base de données de référence et dans les couvertures d’assurance, et ainsi être favorisées au moment de la préparation, ce qui limiterait ultimement la variabilité de ce qui est préparé en pharmacie et remis au patient.

Je trouve qu’il s’agit d’un travail très intéressant qui est nécessaire. J’ai bien hâte de voir les résultats complets de ces travaux.

Processus de mise à jour des préparations magistrales orales dans un réseau d’hôpitaux

Il y a deux ans, je vous parlais d’une initiative de standardisation des préparations magistrales qui avait lieu au Michigan, afin de limiter les concentrations et les formulations des magistrales orales préparées par les pharmacies de cet état. J’avais d’ailleurs assisté à une présentation d’un pharmacien ayant participé à cette initiative au congrès du PPAG de 2017.

Un nouvel article est paru cette semaine dans l’AJHP à propos de cette initiative, cette fois de la part de pharmaciens hospitaliers d’un groupe d’hôpitaux du Michigan. L’article rapporte la démarche de l’organisation pour intégrer ces recommandations aux préparations magistrales faites par son département de pharmacie.

Un groupe de 4 pharmaciens, un interne en pharmacie et des étudiants de 4è année ont révisé de manière systématique les préparations magistrales en place dans les établissements du groupe et les ont comparées aux informations tirées de 7 références, dont notamment l’USP et d’autres références spécialisées sur les préparations magistrales. À la suite de cette révision, des réunions ont été tenues pour proposer des modifications aux préparations.

175 formulations ont été revues, et 136 modifications ont été proposées. La modification la plus fréquente était un changement dans les conditions d’entreposage (44%) ou dans la durée de stabilité (39%) pour se conformer aux normes de pratiques ou aux données les plus récentes. Notons des modifications à la composition des préparations, en particulier le retrait de « sirop de fraise » de type alimentaire comme véhicule de suspension à la place de véhicules utilisés plus couramment dans 22% des cas. Les auteurs justifient ce retrait par l’élimination du colorant rouge du sirop, lequel est un allergène potentiel.  Soulignons que ce genre d’additif inhabituel peut aussi causer toutes sortes de problème lors de transition de soins, notamment le congé de l’hôpital vers la maison, lorsqu’une pharmacie communautaire ne peut pas obtenir aisément le même ingrédient.

Les auteurs mentionnent également avoir éliminé plusieurs formulations afin de ne garder qu’une seule concentration par produit, avec quelques exceptions pour les patients de néonatologie, avec un étiquetage indiquant la concentration inhabituelle. D’autres modifications incluent l’ajout de la nomenclature TALLman (encore très populaire malgré les doutes quant à son efficacité), les informations sur la stabilité hors du réfrigérateur (toujours pratique) et la possibilité de faire la préparation avec des véhicules sans sucre. Des formulations alternatives ont aussi été gardées pour pallier à d’éventuelles ruptures d’approvisionnement. L’article décrit également la méthode suivie pour déployer ces modifications dans les opérations des centres concernés.

L’article démontre qu’il est tout à fait possible de standardiser les concentrations de préparations magistrales orales à travers une organisation, même avec plusieurs centres. J’aimerais bien sûr avoir des données sur l’impact pratique de cette initiative. Y a-t-il eu une réduction des erreurs de préparation lors des transitions de l’hôpital vers la communauté ou lors du changement de pharmacie ? Ce serait l’élément le plus important à démontrer.

 

Données sur la distribution et la préparation des médicaments en 2017 dans les hôpitaux américains

Cet article décrit les résultats du sondage annuel de l’ASHP pour 2017, à propos de la distribution des médicaments et de leur administration. Cet article complète les données de 2016 et 2015 sur d’autre sujets, cependant certaines données se recoupent.

Les résultats de cette année sont particulièrement intéressants, puisqu’ils ciblent spécifiquement reliés à l’utilisation de la technologie dans la distribution des médicaments et leur préparation.

La même méthode que d’habitude pour ce sondage a été utilisée, avec un échantillonnage parmi l’ensemble des hôpitaux éligibles. Le taux de réponse était de 14,4%, ce qui est plus bas que pour 2016 et 2015.

Voici quelques données tirées de ce sondage:

Distribution des médicaments

  • 43% des pharmacies d’établissement sont ouvertes 24 heures, dont 90% dans les hôpitaux de 200-299 lits et 98-100% des les hôpitaux de plus de 300 lits. À noter que le pourcentage d’hôpitaux où les ordonnances ne sont pas revues la nuit ou bien où un pharmacien de garde est disponible la nuit a diminué à 16%.
  • La distribution des médicaments est maintenant majoritairement décentralisée avec 70% des hôpitaux qui utilisent les cabinets automatisés comme moyen principal de distribution pour les doses d’entretien (c’est-à-dire pas seulement les premières doses !). La distribution centralisée en doses unitaires comme on la pratique au Québec est en diminution constante avec seulement 21% des hôpitaux américains, et moins de 10% des hôpitaux de plus de 300 lits. La distribution centralisée avec un robot est utilisée dans 8% des hôpitaux au total, mais 20-25% des hôpitaux de plus de 300 lits.
  • Un carrousel est utilisé dans la pharmacie durant le processus de dispensation dans 21,7% des hôpitaux, mais dans 90% des hôpitaux de plus de 600 lits. Les systèmes de traçabilité des médicaments sont utilisés dans environ 10% des hôpitaux et les robots de livraison dans 1% des hôpitaux.
  • 61,9% des hôpitaux utilisent le code-barres pour la vérification des doses durant la dispensation, et 85-100% des hôpitaux de plus de 300 lits l’utilisent durant le remplissage des cabinets automatisés.

Préparation des médicaments

  • 93% des hôpitaux ont des concentrations standardisées pour les médicaments en perfusion intraveineuse destinés aux adultes, comparativement à 65% pour les médicaments en perfusion intraveineuse destinés aux enfants, mais ce pourcentage est plus élevé dans les plus gros hôpitaux.
  • Les concentrations des préparations magistrales liquides orales sont standardisées dans 55% des hôpitaux. Fait intéressant, les doses des médicaments en liquides oraux sont standardisées dans 49% des hôpitaux.
  • Les ingrédients des préparations stériles sont vérifiés par code-barres dans 39-67% des hôpitaux de plus de 300 lits.
  • La gravimétrie est utilisée dans environ 20% des hôpitaux de plus de 300 lits pour les préparations stériles.
  • Un logiciel de gestion du flot de travail des préparations stériles est utilisé dans 23-38% des hôpitaux de plus de 300 lits, et une proportion similaire de ces hôpitaux utilisent des photos ou des vidéos pour documenter ces préparations.
  • La nutrition parentérale en poches commerciales pré-mélangées est utilisée dans 44,8% des hôpitaux, cependant près de 50% des hôpitaux de plus de 300 lits utilisent une pompe automatisée pour la préparation sur place ou ont recours à un sous-traitant pour ces préparations.
  • Des tests sur les produits préparés sont menés afin d’en augmenter la durée de stabilité comparativement aux dates limites d’utilisation de base de l’USP <797> dans 10-15% des hôpitaux de 300-600 lits, mais dans 43% des hôpitaux de plus de 600 lits. À noter aussi que très peu d’hôpitaux font des préparations stériles à haut risque selon l’USP <797>, sauf pour 38% des hôpitaux de plus de 600 lits.
  • Les méthodes de surveillance environnementale, de contrôle du personnel et de manipulation des médicaments dangereux sont aussi décrits dans l’article.

L’article décrit également les mesures en place pour prévenir le détournement de substances contrôlées et donne des données sur le nombre de pharmaciens et de techniciens à l’emploi par taille d’hôpitaux.

Les auteurs soulignent certaines tendances dans la discussion. Je retiens ce qu’ils mettent en évidence comme des choses importantes à suivre pour l’évolution des opérations en pharmacie d’établissement, notamment: la révision d’ordonnances 24 heures sur 24, l’augmentation de l’utilisation des cabinets automatisés comme méthode de distribution de médicaments et le passage à une distribution décentralisée utilisant ces appareils, ainsi que l’utilisation du code-barres comme méthode de vérification des médicaments.