J’ai déjà parlé à quelques reprises de l’assistance technologique aux préparations stériles, notamment la prise de photos, la vérification des ingrédients par code-barres et la vérification des quantités des ingrédients, que ce soit par gravimétrie ou reconnaissance visuelle.
Une nouvelle étude est parue en juin 2022 dans l’AJHP. L’étude a été menée dans une pharmacie d’oncologie située à Toronto, réalisant environ 55 préparations de chimiothérapie par jour. L’étude a été réalisée avec un devis pré-post, afin de déterminer l’effet de l’implantation d’un système commercial de gravimétrie et code-barres sur l’interception d’erreurs, la qualité de la documentation, et sur le temps de travail requis pour les préparations.
L’étude a été divisée en 3 phases: pré-implantation, acclimatation et post implantation, chacune d’environ 6 semaines entre le 17 août et le 11 décembre 2020. L’effet sur le temps n’a pas été collecté durant la phase d’acclimatation (pré vs post), alors que l’effet sur les erreurs et la documentation a été compilé dès la phase d’acclimatation (pré vs acclimatation + post). La compilation des données a été faite par trois observateurs externes présents durant l’étude et non par extraction de données à partir de rapports comme dans d’autres études.
5 pharmaciens et 11 techniciens ont été observés. Le coefficient de corrélation moyen entre les observateurs était de 0,96. Les chercheurs ont constaté une diminution du nombre d’erreurs de sélection de produit (0,4% vs 0%), ainsi qu’une augmentation de la détection d’erreurs de mesure (0,1% pré vs 0,3% post pour l’ajustement de volume du contenant, 0,4% pré vs 1,2% post pour la dose prélevée, et 0% pré vs 0,9% post pour la dose injectée).
L’utilisation du système a augmenté le temps requis pour la préparation (275 secondes pré vs 355 secondes post) mais pas le temps de vérification visuelle (21,4 secondes pré vs 21,6 secondes post). Le temps de vérification physique du produit a diminué (58,6 secondes pré vs 50,9 secondes post).
Les auteurs, dans la discussion, présentent les particularités du flot de travail imposé par le logiciel qui affectent la détection d’erreurs à différentes étapes de la préparation. Notamment, avec le système, la détection d’erreurs de produit avait souvent lieu à la préparation des plateaux de préparation lors du scan de code-barres, alors qu’auparavant, les erreurs étaient souvent détectées par le technicien réalisant la préparation. Les auteurs croient que ceci a affecté la capacité des observateurs à noter ce type d’erreurs puisqu’elle était beaucoup plus « silencieuse » en post. Les auteurs concluent que le système augmente la sécurité du processus de préparation.
Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai des doutes sur la manière dont les erreurs sont parfois définies dans les publications décrivant l’impact de ces technologies. En particulier, on retrouve encore dans cette étude l’utilisation d’un nouveau vial de produit plutôt que d’un vial partiellement utilisé, dans la liste des erreurs. Selon moi, il est discutable de catégoriser ce genre de situation, bien que non optimale, comme une erreur. Comme ce type d’événement est rarement compilé dans un mode de travail papier, et comme les logiciels évalués garantissent l’interception de ces erreurs, leur inclusion peut gonfler artificiellement le nombre d’erreurs interceptées. Dans la présente étude, une erreur de ce type a eu lieu en pré, et elle a été interceptée manuellement et compilée grâce à la méthodologie d’observation. En post, une seule erreur de ce type a eu lieu, et elle a été interceptée par le logiciel. On peut donc dire que l’inclusion de ce type d’erreur ne semble pas avoir influencé les résultats de la présente étude.
L’étude a encore utilisé une mesure de précision des doses comme un marqueur de qualité du système, alors qu’aucune donnée, à ma connaissance, ne supporte qu’une augmentation de la précision des doses, hormis l’avantage évident pour la détection d’erreurs, résulte en des résultats cliniquement significatifs pour les patients. Heureusement, contrairement à des études précédentes, celle-ci ne met pas l’emphase sur ces résultats.
On peut quand même constater que les erreurs dans les préparations stériles dans le contexte de l’étude sont rares et que le système a réussi à réduire le petit nombre d’erreurs en un nombre encore plus petit. Malheureusement, les auteurs ne commentent pas sur le potentiel d’impact clinique des erreurs détectées. Par exemple, dans le cas d’une détection d’erreur de volume, il aurait été utile de savoir si les erreurs interceptées étaient cliniquement significatives ou s’il s’agit d’erreurs mineures principalement dues au seuil de tolérance paramétré dans le logiciel.
Bref, je crois qu’il s’agit d’une étude intéressante qui nous donne des chiffres plus réalistes que les précédentes sur l’impact de ce genre de système, en particulier grâce à sa méthodologie d’observation directe.