Vérification des kits de médicaments par code-barres et traçabilité par RFID

Les technologies du code-barres et du RFID sont de plus en plus utilisées pour la préparation des plateaux et des kits de médicaments. J’ai parlé pour la première fois en 2015 de préparation de plateaux assistée par RFID et une affiche présentée au congrès de l’APES de 2016 a identifié 7 publications au sujet de l’applicabilité du RFID à la traçabilité des médicaments.

Un article publié dans l’AJHP du mois de mars décrit un système un peu différent. L’étude a eu lieu dans un centre académique américain de 1400 lits situé en Ohio. 438 kits de médicaments de divers types sont en circulation dans ce centre. Afin d’optimiser le temps passé par les assistant-techniques et les pharmaciens à la préparation de ces kits, un système combinant code-barres et RFID a été développé.

Pour l’identification des médicaments, le code-barres est utilisé. Un code-barres 2D est imprimé à partir de l’identification, du numéro de lot et de la date de péremption du médicament. Selon les auteurs, des pharmaciens vérifient l’exactitude de l’information encodée dans le code-barres (logiquement, si un tel système était implanté au Québec, j’espère que cette étape de vérification serait déléguée !). Le système permet l’approbation des kits et la localisation des médicaments dans le kit est validée à l’aide d’autocollants de localisation comportant eux aussi un code-barres. Le système permet donc l’identification des médicaments périmés dans un kit et l’identification des kits périmés.

La technologie est utilisée pour le suivi des kits eux-mêmes. Des étiquettes RFID actives sont apposées dans les kits et ceci permet de localiser les kits à l’intérieur  de l’institution. Cela est utilisé pour identifier proactivement les kits périmés.

Le système a été implanté en octobre 2013. Les auteurs ont décrit l’effet sur le temps de travail suite à l’implantation de leur système. Malheureusement, la méthode utilisée pour en arriver à ces chiffres est peu décrite, donc on ne peut pas juger de la qualité des données.

Avant l’implantation du système de vérification par code-barres, sur une période de 119 jours, 1216 kits de médicaments ont été préparés. Les pharmaciens passaient en moyenne 102 minutes par jour et les techniciens 116 minutes par jour à préparer et vérifier les kits. 1,2% des entrées informatiques comportaient une erreur. Après le passage au système de code-barres, 1348 kits ont été préparés sur une période de 119 jours. Le temps passé par les pharmaciens à vérifier les kits a diminué à 27 minutes par jour et le temps passé par les techniciens à 117 minutes par jour pour le remplissage comme tel et 60 minutes par jour pour la préparation des étiquettes. Le taux d’erreurs de saisie informatique était de 0,2%.

L’article est très intéressant, cependant la motivation derrière toute cette démarche semblait être une demande de l’inspection de l’ordre professionnel des pharmaciens de l’Ohio, qui requérait une vérification systématique par un pharmacien des numéros de lots et des dates d’expiration des médicaments dans les kits, ce qui explique le temps très élevé passé à faire cette vérification avant l’intervention. Dans le contexte du Québec où cette activité n’a pas à être exécutée systématiquement par un pharmacien, le gain de temps pharmacien serait probablement bien moins important. Il ne faut pas négliger non plus l’augmentation du temps de travail technique imposée par le système d’impression de code-barres alors que le temps de préparation reste similaire. Enfin, il n’est pas mentionné si les auteurs ont considéré un système de préparation des kits avec RFID plutôt que par code-barres et ce qui a motivé leur décision d’aller vers le système de code-barres 2D sur les médicaments.

Lignes directrices de l’ASHP sur la prévention des erreurs médicamenteuses

L’ASHP a publié dans le numéro d’octobre de l’AJHP de nouvelles lignes directrices sur la prévention des erreurs médicamenteuses dans les hôpitaux. Je trouve cet article très important car il amalgame en un seul document beaucoup de pratiques décrites dans de multiples références de sources diverses. Je vous parlerai ici uniquement des aspects qui touchent la technologie mais le reste de l’article comporte des points majeurs dont je ne parlerai pas par souci de temps. Points bonus: l’article débute en citant le rapport To Err is Human: Building a Safer Health System de 1999.

L’article débute en énumérant des stratégies de prévention en vrac. Parmi celles comportant des aspects de technologie on note:

  • L’utilisation de pompes intelligentes
  • La prescription électronique avec aide à la décision
  • L’utilisation du code-barres lors de la préparation, la dispensation et l’administration de médicaments

Ces trois points sont bien simples à nommer ainsi mais chacun comporte son lot de difficultés et de complications, en particulier pour la prescription électronique, et fait l’objet de nombreuses publications et directives d’organismes comme l’ISMP.

Les auteurs mentionnent spécifiquement des stratégies pour réduire les erreurs liés aux médicaments aux noms similaires (Look-alike, sound-alike – LASA):

    L’article détaille ensuite les mesures à prendre à chaque étape du circuit du médicament pour prévenir les erreurs.

    Étapes de sélection et d’approvisionnement

    Un élément majeur à cette étape du circuit du médicament est l’intégration des médicaments choisis et achetés à la technologie en place dans l’établissement. Les choix de formes pharmaceutiques et de concentrations disponibles devraient prendre en considération les possibilités des logiciels qui permettront de gérer, prescrire et administrer ces médicaments.

    Les éléments à considérer incluent

    • Les choix de voie d’administration possibles
    • La nomenclature du médicament et la nécessité de distinction avec d’autres, par exemple avec une écriture TALLman
    • Les interactions médicamenteuses significatives à programmer et tester
    • Les autres alertes pertinentes du médicament (tests de laboratoire, restrictions de prescription, etc.)
    • L’intégration des recommandations de dose à tous les systèmes ainsi qu’aux pompes intelligentes
    • Le besoin d’une ordonnance pré-rédigée
    • La disponibilité dans les cabinets et les alertes spécifiques à la dispensation à partir de cabinets

    On souligne aussi l’importance de la nomenclature du médicament. Celle-ci devrait être standardisée à travers l’ensemble du circuit du médicament, notamment dans le dossiers électronique, le systèmes de pharmacie, les pompes, les cabinets, et prendre en compte dans chaque système la possibilité de confusion avec d’autres médicaments. Le nom générique devrait être favorisé (je commenterais que parfois le nom commercial est nécessaire car le nom générique est incompréhensible pour les professionnels non pharmaciens, par exemple pour des produits qui ne comportent pas de « vrais médicaments » comme les onguents opthalmiques, les gels pour lésions cutanées, les pansements, les produits hydratants en général…). On souligne aussi l’importance de ne pas abrévier le nom d’un médicament, mais ici la technologie est parfois une limite, combien de produits ont une limite de caractères tellement basse que le nom générique du médicament n’entre même pas ?

    Une section de l’article détaille spécifiquement les recommandations pour la dispensation à partir de cabinets, notamment la configuration de la dispensation à partir du profil pharmacologique ou hors profil.

    Étapes de transcription et vérification

    L’article met une emphase sur la vérification des ordonnances de médicaments par un pharmacien, et insiste sur l’importance de ne pas « échapper » les ordonnances rédigées lorsque la pharmacie est fermée. Il faut aussi qu’il y ait une procédure en place pour que les ordonnances rédigées lorsque la pharmacie est fermée puissent être revues si besoin, par exemple avec un pharmacien de garde, un service de télépharmacie, et avec une formation adéquate du personnel sur place durant la nuit pour identifier les situations non conformes ou demandant davantage de vérifications

    Étapes de dispensation et d’administration

    La validation des médicaments peut être assistée par de la technologie, notamment par les code-barres. En particulier, les médicaments qui sont reconditionnées doivent aussi comporter un code-barres. Une procédure doit donc être mise en place pour la génération de ce code-barres et pour encadrer son utilisation.

    Lorsque les cabines sont utilisés, les fonctions de sécurité offertes par le cabinet doivent être connues et revues pour que les meilleures politiques soient mises en place et diminuer le besoin de contournements dans la pratique clinique. De plus, des audits d’utilisation doivent avoir lieu pour identifier les situations problématiques.

    Lignes directrices ASHP-PPAG sur les services et soins pharmaceutiques en pédiatrie

    Le dernier numéro de l’AJHP contenait cet article, qui découle d’un effort conjoint de l’ASHP et du PPAG pour décrire la prestation de services et de soins attendue d’un département de pharmacie dans une institution desservant des patients pédiatriques. Le document comporte des points couvrant l’ensemble des activités d’un département, incluant notamment la distribution des médicaments, la validation des ordonnances, les préparations stériles et non stériles, la recherche, les soins aux patients, etc. Je vous présente ici quelques points liés aux technologies.

    Dans la section des infrastructures, on mentionne qu’un système d’information pharmacie doit être utilisé et devrait être interfacé avec les autres systèmes d’information de l’établissement, notamment:

    • La prescription électronique
    • L’administration des médicaments assistée par code-barre
    • Le dossier patient électronique (comprenons le DCI Cristal-Net dans le contexte québécois)
    • Le système de facturation (comprenons au Québec le système de tarification à l’activité qui ne manquera pas d’arriver)

    Les fonctions devant être supportées par des outils technologiques sont:

    • L’accès au dossier patient
    • La documentation des activités
    • La tenue de dossiers et de profils pharmacologiques
    • La gestion d’inventaire
    • La tarification
    • La prescription
    • L’aide à la décision
    • L’obtention d’information sur les médicaments.

    On mentionne qu’un pharmacien possédant des compétences en pédiatrie devrait être impliqué dans le développement et la maintenance des ordonnances pré-rédigées et des références, notamment des doses, disponibles dans les systèmes.

    Dans la section spécifique à la technologie, on décrit les technologies de pharmacie (pharmacy HIT) comme devant être intégrées aux systèmes cliniques et financiers de l’institution et que les décisions concernant ces systèmes devraient inclure le département de pharmacie comme partie prenante.

    Les logiciels de prescription électronique et d’aide à la décision devraient être adaptés à la pédiatrie, personnalisables, et comprendre au minimum la prise en charge des doses selon l’âge, le poids ou la surface corporelle avec des doses maximales, la détection d’allergies ou d’interactions. Les ordonnances pré-rédigées de mêmes que les « order sentences » (les phrases d’ordonnances non incluses dans une ordonnance pré-rédigée complète) devraient être révisées par le département de pharmacie. Le département de pharmacie devrait participer à la gouvernance des systèmes d’aide à la décision. Les paramètres de ces systèmes impactant les services du département de pharmacie et les interventions mises en place devraient faire l’objet d’un suivi post implantation.

    L’ensemble des technologies liées au circuit du médicament (cabinets, carrousels, robots, etc.) devraient prendre en charge les particularités des médicaments pédiatriques et des technologies comme le code-barres, la traçabilité des médicaments et les logiciels d’assistance à la production stérile devraient être considérés.

    La feuille d’administration des médicaments devrait être électronique et directement interfacée ou intégrée au système d’information pharmacie, et devrait utiliser une vérification des médicaments par RFID ou code-barres avant l’administration.

    Les pompes à perfusion devraient être choisies avec l’aide du département de pharmacie et prendre en charge les doses pédiatriques. Les bibliothèques devraient être sous la responsabilité d’un pharmacien avec des compétences en pédiatrie et comprendre des limites contournables et non contournables.

    Les sections subséquentes ajoutent des particularités, notamment sur la terminologie dans la prescription électronique, sur l’utilisation des profils pharmacologiques pour la dispensation de médicaments à l’aide des cabinets automatisés; ce sont des points relativement bien connus et recoupant d’autres références.

    Je trouve que cet article donne un bon tour d’horizon des meilleures pratiques pour l’ensemble d’un département de pharmacie offrant des services pédiatriques, et offre un bon sommaire des technologies disponibles et de la manière de les mettre en place. Les pratiques décrites font écho aux lignes directrices d’autres organismes, notamment l’ISMP. Bref, cet article est un incontournable.