Données sur la distribution et la préparation des médicaments en 2017 dans les hôpitaux américains

Cet article décrit les résultats du sondage annuel de l’ASHP pour 2017, à propos de la distribution des médicaments et de leur administration. Cet article complète les données de 2016 et 2015 sur d’autre sujets, cependant certaines données se recoupent.

Les résultats de cette année sont particulièrement intéressants, puisqu’ils ciblent spécifiquement reliés à l’utilisation de la technologie dans la distribution des médicaments et leur préparation.

La même méthode que d’habitude pour ce sondage a été utilisée, avec un échantillonnage parmi l’ensemble des hôpitaux éligibles. Le taux de réponse était de 14,4%, ce qui est plus bas que pour 2016 et 2015.

Voici quelques données tirées de ce sondage:

Distribution des médicaments

  • 43% des pharmacies d’établissement sont ouvertes 24 heures, dont 90% dans les hôpitaux de 200-299 lits et 98-100% des les hôpitaux de plus de 300 lits. À noter que le pourcentage d’hôpitaux où les ordonnances ne sont pas revues la nuit ou bien où un pharmacien de garde est disponible la nuit a diminué à 16%.
  • La distribution des médicaments est maintenant majoritairement décentralisée avec 70% des hôpitaux qui utilisent les cabinets automatisés comme moyen principal de distribution pour les doses d’entretien (c’est-à-dire pas seulement les premières doses !). La distribution centralisée en doses unitaires comme on la pratique au Québec est en diminution constante avec seulement 21% des hôpitaux américains, et moins de 10% des hôpitaux de plus de 300 lits. La distribution centralisée avec un robot est utilisée dans 8% des hôpitaux au total, mais 20-25% des hôpitaux de plus de 300 lits.
  • Un carrousel est utilisé dans la pharmacie durant le processus de dispensation dans 21,7% des hôpitaux, mais dans 90% des hôpitaux de plus de 600 lits. Les systèmes de traçabilité des médicaments sont utilisés dans environ 10% des hôpitaux et les robots de livraison dans 1% des hôpitaux.
  • 61,9% des hôpitaux utilisent le code-barres pour la vérification des doses durant la dispensation, et 85-100% des hôpitaux de plus de 300 lits l’utilisent durant le remplissage des cabinets automatisés.

Préparation des médicaments

  • 93% des hôpitaux ont des concentrations standardisées pour les médicaments en perfusion intraveineuse destinés aux adultes, comparativement à 65% pour les médicaments en perfusion intraveineuse destinés aux enfants, mais ce pourcentage est plus élevé dans les plus gros hôpitaux.
  • Les concentrations des préparations magistrales liquides orales sont standardisées dans 55% des hôpitaux. Fait intéressant, les doses des médicaments en liquides oraux sont standardisées dans 49% des hôpitaux.
  • Les ingrédients des préparations stériles sont vérifiés par code-barres dans 39-67% des hôpitaux de plus de 300 lits.
  • La gravimétrie est utilisée dans environ 20% des hôpitaux de plus de 300 lits pour les préparations stériles.
  • Un logiciel de gestion du flot de travail des préparations stériles est utilisé dans 23-38% des hôpitaux de plus de 300 lits, et une proportion similaire de ces hôpitaux utilisent des photos ou des vidéos pour documenter ces préparations.
  • La nutrition parentérale en poches commerciales pré-mélangées est utilisée dans 44,8% des hôpitaux, cependant près de 50% des hôpitaux de plus de 300 lits utilisent une pompe automatisée pour la préparation sur place ou ont recours à un sous-traitant pour ces préparations.
  • Des tests sur les produits préparés sont menés afin d’en augmenter la durée de stabilité comparativement aux dates limites d’utilisation de base de l’USP <797> dans 10-15% des hôpitaux de 300-600 lits, mais dans 43% des hôpitaux de plus de 600 lits. À noter aussi que très peu d’hôpitaux font des préparations stériles à haut risque selon l’USP <797>, sauf pour 38% des hôpitaux de plus de 600 lits.
  • Les méthodes de surveillance environnementale, de contrôle du personnel et de manipulation des médicaments dangereux sont aussi décrits dans l’article.

L’article décrit également les mesures en place pour prévenir le détournement de substances contrôlées et donne des données sur le nombre de pharmaciens et de techniciens à l’emploi par taille d’hôpitaux.

Les auteurs soulignent certaines tendances dans la discussion. Je retiens ce qu’ils mettent en évidence comme des choses importantes à suivre pour l’évolution des opérations en pharmacie d’établissement, notamment: la révision d’ordonnances 24 heures sur 24, l’augmentation de l’utilisation des cabinets automatisés comme méthode de distribution de médicaments et le passage à une distribution décentralisée utilisant ces appareils, ainsi que l’utilisation du code-barres comme méthode de vérification des médicaments.

Mise à jour sur les seringues BD

Depuis hier, j’ai trouvé un avis de l’ISMP qui discute de la problématique des seringues BD dont je parlais hier (voir mon blog d’hier).  L’avis semble indiquer qu’une production pour 24 heures est acceptable, quoi que ce ne soit pas dit très explicitement.

Un podcast sur le sujet a aussi été publié hier en après-midi, je vous invite à l’écouter.  Les ponts clés:

  • L’auteur pense lui aussi qu’une stabilité de 24h est acceptable dans le contexte actuel.
  • Il souligne les conséquences importantes que pourrait avoir ce changement de pratique en pédiatrie, en particulier si les hôpitaux devaient se mettre à dispenser des vials de médicament conçus pour des doses adultes sur des unités de pédiatrie et de néonatologie, au lieu de seringues remplies à la bonne dose.

Alerte de la FDA et Santé Canada à propos des seringues BD

Les faits

Le 18 août 2015, la FDA a émis une alerte avisant les professionnels de la santé (on comprend que ça s’adresse surtout aux pharmaciens) que les seringues de marque BD de 3 et 5 mL ne devraient plus être utilisées pour conserver les médicaments. La FDA aurait reçu des rapports de cas de diminution de l’efficacité de certains médicaments (fentanyl, morphine, methadone et atropine) lorsque stockés pour une période de temps non spécifiée en seringues.

Selon l’avis, cette perte de puissance serait due à une interaction entre ces médicaments et la pièce de caoutchouc à l’extrémité du piston de la seringue.  Ceci ne surviendrait pas lorsque les médicaments sont utilisés rapidement après le remplissage de la seringue.  « Rapidement » (« promptly ») n’est pas défini.

Le 8 septembre 2015, cette alerte a été étendue pour inclure les seringues de 1, 3, 5, 10, 20 et 30 mL.  La liste de médicaments a aussi été étendue pour inclure le fentanyl, le rocuronium, la neostigmine, la morphine, le midazolam, la methadone, l’atropine, l’hydromorphone, le cisatracurium, et le remifentanyl.

Le 23 septembre 2015, Santé Canada a publié un avis similaire.  L’avis rapporte que ce ne sont pas toutes les seringues qui sont affectées, mais bien seulement certains lots.  Ces lots auraient été faits avec une pièce de caoutchouc produite par un manufacturier différent de celui utilisé habituellement par BD.  On répète que l’interaction ne se produit que lorsque les médicaments sont stockés pour une durée prolongée dans les seringues.

BD a mis sur pied une page web permettant de vérifier les lots affectés par le rappel.  Un document PDF (pour le Canada) résumant les lots affectés est disponible via cette page web.

Mon opinion

Cette alerte me laisse perplexe.  Aux États-Unis, l’ASHP a publié un communiqué intitulé: « No Syringe Is Approved as a Standalone Storage Container, FDA Says ». Traduction: on ne doit pas stocker des médicaments en seringue, du moins en vertu de l’approbation américaine.   Ceci laisse entendre que cette pratique est inhabituelle et hors norme. Pourtant, un pharmacien américain témoigne sur son blogue de l’utilisation grandissante des seringues pré-remplies produites par les pharmacies dans les établissements de santé.

Je crois bien que tous les hôpitaux nord-américains qui ont un système de distribution des médicaments moderne ont recours à cette pratique pour au moins quelques produits.  Il s’agit d’un mode de préparation largement répandu.

Les avantages de cette pratique sont évidents:

  • La production en lot de seringues pré-remplies par la pharmacie assure une production stérile de qualité, conforme aux lignes directrices (au Québec: norme 2014.01 de l’Ordre des Pharmaciens du Québec, aux États-Unis: l’USP <797>).
  • La production centralisée à la pharmacie permet la documentation et le contrôle de qualité de la préparation, par exemple en ayant recours à des photos archivées numériquement.
  • Le risque d’erreur et de contamination associé à la préparation manuelle de seringues à l’extérieur d’une enceinte de préparation stérile est minimisé.

Dans le même esprit, la préparation des doses de médicaments injectables en seringue fait partie intégrante du système de distribution unidose.  Ce système implique le service par la pharmacie des doses de médicaments pour les patients hospitalisés 24h à la fois, dans un format requérant le moins de manipulation possible avant l’administration au patient.  En pédiatrie, compte tenu du large intervalle de doses possibles pour chaque médicament (allant du bébé prématuré de 750g à l’adolescent de 16 ans joueur de football pesant 75 kg), ce système est essentiel à la sécurité de l’utilisation des médicaments.

Pour le moment, il ne semble pas que la FDA ou Santé Canada se dirige vers une action limitant le reconditionnement en seringue dans le cadre de la distribution unidose.  Malheureusement, ceux-ci ne fournissent aucune donnée sur une durée de stockage qui serait considérée « correcte ».  Il me semble néanmoins que le 24h nécessaire pour la distribution unidose entre dans les limites du raisonnable.

Dans le cas contraire, on serait obligé de revoir le mode de préparation et de distribution des médicaments injectables dans pratiquement tous les hôpitaux à la grandeur de l’Amérique du Nord.

Je crois bien qu’on n’a pas fini d’en entendre parler.